Une mer d’escalier, cathédrale de Wells

Figure 1. A sea of steps par Frederick H. Evans.

Frederick H. Evans est estimé comme l’un des photographes de cathédrale médiévale le plus important d’Angleterre à cette époque. Il est reconnu pour son cadrage créatif et sa profonde appropriation de l’endroit photographier. Lors d’une photographie d’une cathédrale, il pouvait passer plusieurs journées à analyser la lumière et son interaction avec les éléments architecturaux. Il définissait même ses photographies d’études, agrémentant ses visites des cathédrales de nombreuses notes sur les meilleures vues, meilleurs moments de la journée, le temps d’exposition et le type de lentilles utilisées. Il aimait aussi étudier et photographier le contexte urbain dans lequel le bâtiment se retrouvait. Dans certaines photographies, on aperçoit la cathédrale avec son environnement urbain adjacent pour démontrer son élévation importante.  

“The visit of Evans to a cathedral town was a solemn Rite. He went there and lived.”

Alvin Langdon Coburn, “Frederick H. Evans”, Image 2, no. 9 (Dec. 1953).

Durant sa carrière, Frederick H.Evans utilisait un principe de développement au platine. Ce principe offre un plus grand spectre de nuance que dans les photos traditionnelles de l’époque. Sur la photographie a sea of steps, le principe de développement au platine propose une tonalité plus subtile, comme si la photographie était dessinée au crayon de plomb. Contrairement aux pratiques usuelles de l’époque, Evans ne retouchait aucune de ses photos. Il préférait explorer des angles nouveaux et différente utilisation de la lumière. Il était souvent décrit comme un perfectionniste, demandant souvent aux propriétaires des églises d’enlever les lignes de gaz ou tout autre élément qui n’était pas d’origine.

L’utilisation du développement au platine porta toutefois à l’arrêt de la photographie pour Evans. En plus de tous les avantages mentionnés plus haut, ce type de développement offre des photos plus résistantes au temps. Durant ces années, le prix du platine ne cesse d’augmenter, tellement qu’en 1920 Evans décide d’abandonner la photographie plutôt que de compromettre la qualité de ses photos avec des procédés de moins grande qualité.

A sea of steps, l’une de ces œuvres les plus populaires, fut exposée au centre canadien d’architecture à Montréal du 28 mai au 13 septembre 2015. A sea of steps a été particulièrement populaire et plusieurs fois reprise, au point dont l’endroit précis de son trépied est maintenant marqué pour les photographes amateurs voulant reproduire la photo.

La populaire photographie présente plusieurs escaliers parfaitement alignés créant l’illusion d’un escalier unique. Le moment de la journée fut méticuleusement choisi par Evans pour assurer une utilisation de la lumière optimale. La lumière semble arriver de la droite par des fenêtres hors champ. Bien que la majorité de la photographie d’Evans soit éclairée, quelques endroits restent intentionnellement ombrager pour créer un contraste dans l’œuvre.  L’usure et l’angle de certains escaliers rappellent des vagues dans une mer, expliquant le titre donné à l’œuvre par Frederick H. Evans. On peut aussi distinguer plusieurs portes, laissant signifier un parcours que pourrait emprunter le visiteur de la cathédrale. De plus, tous les escaliers semblent se diriger vers les portes, encore une fois, amplifiant l’esprit de parcours dans la photo.

Frederick H. Evans photographie A sea of steps en 1903 dans la cathédrale de Wells en Angleterre. Cette cathédrale est située dans la ville de Wells, à l’ouest de Londres. La première construction de la cathédrale remonte à l’année 909 lors du changement du titre de l’église de Wells vers la cathédrale de Wells. La construction du bâtiment actuel commence vers 1180 et se terminera seulement en 1508, dû à de nombreux imprévus.

La cathédrale dispose d’une ornementation monumentale. Il était prévu à l’époque d’inclure plus de 340 statues sur les façades du bâtiment, dont 150 de tailles réelles. On ne sait pas aujourd’hui si toutes ces statues ont été réalisées. Toutefois, on sait qu’au moins la moitié est toujours présente sur la cathédrale et que quelques autres se retrouvent dans des musées.

Figure 2. Cathédrale de Wells photographié par Frederick H. Evans.

Entre 1338 et 1348, la Cathédrale de Wells se dote d’un élément architectural novateur à cette époque; l’arc inversé. La forme présente durant cette période une réussite au point de vue technique et reste encore stable de nos jours. Néanmoins, il faut dire que les cloches ont été enlevées pour assurer une force structurelle. Frederick H. Evans capture ces arcs en 1900 qui se retrouvent sur trois côtés de la croisée du transept.

Figure 3. Arc inversé à l’intérieur de la cathédrale de Wells photographié par Frederick H. Evans

Le génie photographique n’était pas reconnu par tous ses confrères lors de la sortie de ses clichés de la cathédrale Wells. Plusieurs considéraient ses œuvres de « sans vie ». Malgré tout, certains, comme Alfred Stieglitz, ont reconnu dès le départ son talent. Stieglitz était un photographe prolifique et un leader dans le domaine de l’art à New York. Il écrit dans son journal populaire à l’époque (camera work) à propos d’Evans :

“He stands alone in architectural photography, and that he is able to instill into pictures of this kind so much feeling, beauty, and poetry entitles him to be ranked with the leading pictorial photographers of the world. His work once more exemplifies the necessity of individuality and soul in the worker, for of the thousands who have photographed cathedrals, none has imbued his pictures with such poetic qualities coupled with such masterful treatment.”

Alfred Stieglitz. Camera Work. 1903.

La passion que Evans avait pour l’architecture et la photographie le distingue de tous les autres photographes médiévaux de l’époque. Il était toujours à la recherche d’une connexion émotionnelle avec le lieu qu’il photographiait. À travers ses images, il réussit à créer un parcours que l’on peut expérimenter. Un parcours qui pousse plus loin que la simple structure physique, mais bien dans le ressenti de ces monuments architecturaux.

Bibliographie

Your collection, Wells cathedral: a sea of steps by Frederick H. Evans. 2015. National Gallery of Canada. Récupéré de : https://www.gallery.ca/magazine/your-collection/your-collection-wells-cathedral-a-sea-of-steps-by-frederick-h-evans

British Art Studies. Varieties of Photographic Experience: Frederick H. Evans and the Lantern Slide. 2015.  Kara Fiedoreck. Récupéré de https://www.britishartstudies.ac.uk/issues/issue-index/issue-1/lantern-slide

Academia. Wells, aux sources du gothique anglais. 2012. Tina Anderlini. Récupéré de : https://www.academia.edu/6711473/Wells_aux_sources_du_gothique_anglais

J . Paul Getty Museum. The photographs of Frederick H. Evans. 2010. Anne M. Lyden. Récupéré de : https://www.getty.edu/publications/resources/virtuallibrary/9780892369881.pdf

Art institut of Chicago. Camera Work. 2016. Récupéré de : https://archive.artic.edu/stieglitz/camera-work/

Brill. Façade as spectacle : Ritual and ideology at Wells cathedral. 2004. Carolyn Marino Malone. Récupéré de : https://books.google.ca/books?hl=fr&lr=&id=SGn5lbRNRVwC&oi=fnd&pg=PR9&dq=wells+cathedral&ots=ECtNzhfehz&sig=ZAGAfk38fVcj5dKEsULPoIN4fOo&redir_esc=y#v=onepage&q=wells%20cathedral&f=false

Médiagraphie

Figure 1. Frederick H. Evans, Wells Cathedral: A Sea of Steps. National gallery of Canada. Récupéré de : https://www.gallery.ca/collection/artwork/wells-cathedral-a-sea-of-steps

Figure 2. Frederick H. Evans, Wells Cathedral. National gallery of Canada. Récupéré de : https://www.gallery.ca/collection/artwork/wells-cathedral

Figure 3. Frederick H. Evans. Wells Cathedral: Nave Looking West. Philadelphia museum of art. Récupéré de : https://www.philamuseum.org/collection/object/68938

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