Le dessin à la plume d’encre et en aquarelle réalisé en 1774 (INHA, 2014) représente la maison de Mademoiselle Dervieux et a été numérisé en 2014 par l’Institut National Histoire de l’Art. Initialement, la maison a été conçu par Alexandre – Théodore Brongniart en 1777 et François-Joseph Bélanger entreprend les travaux d’agrandissement (De Rochebouët, 1986, p.51) suite à la demande de Mme Dervieux en 1789. Il lui avait précédemment conseillé d’acheter des terrains pour élargir sa propriété et permettre ces rénovations majeures, conseil qu’elle suivit.
Le projet de l’architecte Bélanger impliquait l’addition de deux ailes : la première pour une salle à manger et la seconde pour un boudoir et une salle de bains (Cheng, 2016, p.25). Ainsi qu’une mise à jour du décor selon les nouveaux goûts de la propriétaire et le réaménagement des jardins. Le jardin original par Brongniart était déjà d’un style anglais (De Rochebouët, 1986, p.49), Bélanger y aurait ajouté un jardin italien extravagant que Mademoiselle Dervieux pouvait admirer de sa chambre à coucher (De Rochebouët, 1986, p.51).
La majorité du dessin est consacré au jardin et la partie avant de la maison, dont la cour et l’entrée (Cheng, 2016, p.27), est coupée sur le plan. Le plan de la maison est un plan dit traditionnel en raison de la disposition des pièces et de la forme arrondie « des pièces centrales donnant sur le jardin » (Hautecoeur, 1952, p.371-372). La diversité d’éléments naturels est représentée dans le dessin en couleur avec des ombrages sur la végétation. L’atmosphère est rêveuse et romantique avec une luminosité qui se présente de manière naturelle et délicate. L’historien russe Karamzin visite la maison lors de son séjour en France et décrit les jardins dans son livre Letters of a Russian traveler (1789-1790) comme suit :
« All paths are covered with flowers ; where all the trees gives off fragrances as they cast shade »
Nikolai Karamzin
Il serait donc plausible que l’architecte tentait de mettre en valeur l’esthétique de ces jardins dans son plan. Deux éléments du dessin sont assignés de lettres (A et B) et sont détaillés avec une vue de face en marge du plan, A étant un « pavillon Chinois » et B un « pont Chinois ». Bélanger avait un goût prononcé pour le « jardin anglo-chinois » aussi appelé « jardin pittoresque » (Woodbridge, 1982, p.13) qu’il a bâti dans plusieurs autres demeures. On retrouve également un lac de navigation avec une petite embarcation qui se reflète sur l’eau, des sentiers serpentant dans l’entièreté des jardins et un rectangle quadrillé qui indique que cette partie du jardin délimitée est à l’abris du soleil.
Bien que la maison de Mademoiselle Dervieux ait disparu, je me suis intéressée à celle-ci en raison de son succès ; elle a réussi à devenir financièrement indépendante, à avoir une carrière mémorable et même à trouver l’amour. La relation amoureuse que cette danseuse d’Opéra de l’époque a développé avec l’architecte Bélanger, bien qu’il ne s’agit pas d’un cas unique dans l’histoire, est intrigante à constater car cette femme a prospéré malgré sa réputation scandaleuse et la société patriarcale et sexiste dans laquelle elle a vécu.
Bibliographie
CHENG, Diana, « The Public Boudoir of an Actress : The Petite Maison de Mademoiselle Dervieux », dans PÉREZ-GOMEZ, Alberto et Stephen PARCELL, Chora 7 : Intervals in the Philosphy of Architecture, Montréal, McGill-Queen’s University Press, 2016, p. 21-46. En ligne. < https://www.jstor.org/stable/j.ctt19jch8m.5 >. Consulté le 28 février 2022.
DE ROCHEBOUËT, Béatrice, « Maison de Mademoiselle Dervieux », dans Monique MOSSER et al. (dir.), Alexandre-Théodore Brongiart (1739-1813) : Architecture et décor (catalogue d’exposition), Paris, Musée Carnavalet, 1986, p. 47-52.
HAUTECOEUR, Louis, Seconde moitié du XVIIIe siècle : Le style Louis XIV (1750-1792), Paris, Éditions A.J. Picard, 1952, tome IV, 577 p.
INHA, Bibliothèque numérique, « Plan de la maison de Mademoiselle Dervieux rue Chanteraine par Bélanger (Plan de l’hôtel et du jardin) », dans Collections numérisées de la bibliothèque de l’INHA, 2014. En ligne. < https://www.jstor.org/stable/j.ctt19jch8m.5 >. Consulté le 11 février 2022.
STERN, Jean, À l’ombre de Sophie Arnould, François Joseph Bélanger, architecte des Menus-Plaisirs, premier architecte du comte d’Artois, Paris, Plon, 1930, 248 p.
WOODBRIDGE, Kenneth, « Bélanger en Angleterre : Son carnet de voyage », dans Architectural History, Londres, SAHGB Publications Ltd., 1982, vol. 25, 25 p. En ligne. < https://www.jstor.org/stable/1568407 >. Consulté le 22 février 2022.