L’Hôtel Hankar

P. HANKAR. Hôtel Hankar à Bruxelle, avant-pojet de façade. 1893

Il réside dans le dessin de la façade de la maison Hankar, une méthode de travail assidue et perfectionnée par l’expérience de son auteur, l’architecte Paul Hankar. En effet, le dessin est issu d’une étape préliminaire appelé avant-projet. Elle permettait à l’architecte d’avoir un avant-goût du résultat qu’il voulait obtenir pour ses clients, dans ce cas-ci, lui-même. Il serait juste d’être peu emporter par ce dessin aux lignes clairs, justes et fidèle au bâtit, or c’est bien là que constitue tout l’intérêt de celui-ci. Une remarque abordée par François Loyer, un historien de l’art et de l’architecture qui a beaucoup écrit au sujet d’Hankar et son travail. Dans Paul Hankar. Dix ans d’Art nouveau dont Loyer est l’auteur, il ira jusqu’à dire de la façade de la maison Hankar qu’elle « apparaitrait de prime abord comme presque banale – une maison parmi tant d’autres – si elle ne s’imposait pas par la subtilité de la matière et de la couleur ainsi que par la remarquables économie des moyens plastiques ». Son projet de la maison Hankar, quoique souvent cité comme la première demeure de style Art nouveau, ne fait pas couler beaucoup d’encre. 

À la lumière de cette remarque, il est pertinent de considérer l’œuvre intégrale de Paul Hankar amplement boudé par la grande histoire traditionnelle de l’Architecture. En effet, il existe fort peu d’écrits dédié à Hankar. Pourtant, lorsque l’on décortique l’influence qu’il a eu sur des architectes de renom dont Victor Horta et sa carrière parsemée de projets réussies, il est difficile d’en comprendre la raison. Ainsi, pourquoi est-ce que Paul Hankar est un architecte peu abordé par les historiens de l’architectures considérer la maîtrise de sa pratique? Pour en connaître les raisons, il sera question d’aborder le projet de la maison Hankar comme toîle de fond pour en décortiquer les indices. 

L’expérience comme école 

En 1859 dans la modeste ville de Frameries au sud-ouest de la Belgique, Paul Hankar naît dans une famille modeste. Très tôt, il apprend la taille et l’appareillage de la pierre. Un destin que l’on pourrait considérer d’hérité puisque que son père était lui-même tailleur de pierre. Puis, ce sera dès le très jeune âge de treize ans qu’Hankar ira vivre dans la grande ville de Bruxelles pour fréquenter l’Académie des beaux-arts. Or, l’apprentie ne sera déjà pas à l’image traditionnelle d’un bon élève; ses longues périodes d’absence à l’école iront déjà marquer l’identité de l’individu. En effet, à l’extérieur du cadre académique, il prend beaucoup d’expérience puisqu’il travaille dans une multitude d’ateliers en tant que tailleur de pierres, stagiaire de sculpteurs puis employé de l’architecte belge Henri Beyaert où il s’éduque sur la technique du fer forgé.  

Photographie de Paul Hankar. Date inconnue.

Il serait immédiatement approprié de décrire Hankar comme un individu recherchant l’accomplissement moral avant le succès académique et social. Ainsi, dès le début de sa pratique privé, l’architecte aura une clientèle d’artistes aux moyens modestes. Jamais il n’aura fait de projets pour des individus exceptionnellement fortunés et pourtant ce n’était pas les contacts qui lui manquaient. L’absence d’une clientèle luxueuse peut déjà être une des raisons que le talentueux architectes fut omis d’une profonde analyse par les historiens. Peut-être que les projets de sa pratique paraissaient trop communs aux yeux des analystes.

L’expérience d’Hankar

C’est en 1893 que l’architecte Paul Hankar conçoit et fait construire son propre hôtel, aussi appelée maison Hankar, dans la municipalité Saint-Gilles dans la ville de Bruxelles. Le terrain privé assez étroit, mais profond obligeait une réalisation en hauteur, une caractéristique typique des constructions de la ville Belges.  

Maison Hankar, Alamy.

Réalisé en graphite, plume et aquarelle sur papier vélin, le dessin de la façade est un premier jet pour la réalisation du projet. Ce croquis de façade aura plusieurs utilités, dont communiquer à la ville les intentions de réalisation sur le terrain. Hankar était un architecte expérimenté et cela se traduisait dans sa méthode de travail; chaque étape de réalisation était accompagnée d’un dessin. Ces différents dessins lui permettaient de rester près de la réalisation du projet et surtout de respecter les comptes de ses clients. Il est à noter que l’un des intérêts particuliers de ce dessin même est la fidélité que l’architecte gardera envers celui-ci, signe de son expérience et de sa justesse de vision d’ensemble. 

Entre rationalisme et Art nouveau

Il faut dire que malgré que nous connaissons Hankar comme étant un père de l’architecture du mouvement Art nouveau, il est indéniable que son tracé et l’objet de son dessin sont influencé du mouvement rationaliste. En effet, l’Art nouveau réside dans une approche formelle de la ligne prenant racine dans les éléments courbes et en mouvement de la nature. Le mouvement découle du mouvement Arts & crafts qui met de l’avant la place de l’artisan dans la création des formes et des moyens plastiques. Quant à l’architecture rationaliste, elle réside dans une approche scientifique des formes, de la matérialité et de leur composition. Certes, il existe dans la composition préliminaire de la façade de la maison Hankar une lecture transparente de certains principes de construction dont la maçonnerie et du programme architectural intérieur tout en détaillant de façon assidu plusieurs ornementations en fer forgé d’éléments figuratif et abstrait de la nature.

Plus précisement, la façade asymétrique décrit à gauche les espaces de vie distribuée sur trois étages et un sous-sol prenant, les deux tiers de la largeur, puis à droite les airs de circulation prenant le tier de la largeur. De plus, les ouvertures sont bien découpées à chacun des étages du côté des airs de vie, tout en étant traité comme une seul grande ouverture traversant tous les niveaux du côté des circulations. Bien évidemment, il faudra examiner le plan pour prouver une telle déclaration et une fois chose faite, il sera possible d’admirer la sensibilité de l’architecte envers la cohérence du dessin de la façade et du plan à un stage aussi préliminaire du projet. Cependant, ce mélange entre une architecture rationaliste et éléments de la nature propre à l’Art nouveau pourrait être une autre raison que l’architecte ait été négligé dans l’histoire. En effet, un geste assez peu puriste lorsque l’on veut traiter d’un style ou l’autre, mais tout de fois assez remarquablement bien fait puisque l’ornementation est aussi fonctionnaliste.

P. HANKAR, hôtel Hankar à Bruxelles, coupe longitudinale sur la salle à manger et le salon, façades et plans. Reconstitution de l’état d’origine : T. Patricio, J.M Rubio, P. Smars, arch. (dessin V. Gervers)

Quant aux ornementations en fer forgées, elles sont méticuleusement détaillées. On peut percevoir les connaissances de l’architecte en la matière. La couleur foncé, la symétrie et le niveau de détail transmet l’assurance que Paul Hankar avait en ce qui concernait cette matière. Ces ornementations ajoutent énormément de dimension à la façade autrement modeste en détail. Des sgraffites réalisé par Adolphe Crespin viendront s’ajouter à certaines ouverture, par contre, elles ont été omisent du dessin étant donné que Hankar ne les réalisèrent pas lui-même.

S’il y a un dernier éléments pertinent à aborder dans le dessin de la façade, c’est bien la distinction clair et la vision préliminaire de la matérialité polychromique qu’Hankar avait lors du tracé du dessin. Un usage des matériaux assez éclectique, mais tout en subtil harmonie. La couleur orange représente la brique rose-rouge, le gris foncé la pierre bleue d’Ecaussines et puis le gris pâle, la pierre blanche de Gobertange.

À travers les ornementations et la composition de la façade, l’expérience d’Hankar en tant que dessinateur se traduit aussi à travers une réserve dans le balancement de ses éléments . Cette discipline le distinguera nettement de ses pairs, dont Victor Horta avec qui on le compare beaucoup. Ce phénomène est certainement un autre élément important qui n’a pas aidé Paul Hankar à se distinguer dans l’histoire. Horta a toujours été perçu comme le grand maître pionner de l’Art nouveau non sans oportunités : architecte du roi, clients fortunés, présence de fortes ornementations dans ses projets et réseau de contact riche. Il avait tout pour bien réussir, mais cela n’enlève rien à sa maîtrise du style. Enfin, Hankar a bien certainement dû se contenter de vivre dans son ombre.

Bibliographie

De Maeyer Charles. (1963). Paul Hankar. Meddens, Monographies de l’art belge.

Inventaire du patrimoine architectural. (1997 – 2004). Maison Hankar. Monument héritage Bruxelles. https://monument.heritage.brussels/fr/buildings/2302

Loyer François et al. (1991). Dix ans d’art nouveau : paul hankar, architecte. Musées royaux d’art et d’histoire. 173 pages.

Loyer François, Hankar Paul(1986) Paul hankar : la naissance de l’art nouveau. Archives d’architecture moderne.

Van Santvoort Linda. (2018). Bruxelles patrimoine, L’art d’être artiste chez soi. Bruxelles urbanisme et patrimoine.

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