L’Hôtel Tassel, construit par l’architecte Victor Horta à Bruxelles en Belgique de 1892 à 1893, est considéré comme l’une des premières représentations architecturales de l’Art nouveau.
L’hôtel Tassel, cette résidence bourgeoise de la fin du 19e siècle (1892-1893) est connue comme étant l’un des chefs-d’œuvre de l’Art Nouveau en Belgique. Représentant l’apogée de l’innovation de l’habitat résidentiel, ce dernier accueille sa structure comme un élément clé de sa décoration. La photographie étudiée prend comme sujet le palier d’escalier qui mène du rez-de-chaussée au premier étage de la demeure. Se trouvant à gauche du petit palier d’escalier principal où mène la porte d’entrée, celui-ci est un escalier d’honneur qui mène directement au bureau de monsieur Tassel et il bénéficie d’une magnifique attention aux détails.
Plan originaux de l'Hôtel Tassel, 1895. source : https://www.thecollector.com/victor-horta-art-nouveau-architect/
La décoration mélange une mosaïque de marbre pour le plancher ainsi que des pierres blanches pour le mur tout en introduisant le travail du fer forgé dans l’architecture privée (DELEVOY, 1958, P. 5). Victor Horta, l’architecte de cette demeure, rend hommage à la bourgeoisie en utilisant des matériaux somptueux, reflet de la richesse de cette classe sociale. La cage d’escalier qui est représentée dans la photographie capture toute l’essence de cet hôtel grâce à sa lumière, ses formes organiques et son utilité sociale. Celle-ci dépeint un endroit qui baigne dans une lumière douce, voire naturelle. Certes, un petit luminaire à la base des escaliers est installé, pourtant la lumière éclairant la pièce ne provient pas du tout de celui-ci puisqu’il est éteint. En effet, deux sources de lumière ressortent de la photographie. La première provient du haut des escaliers et la seconde semble plutôt provenir de la pièce à la gauche de l’escalier, le jardin d’hiver. Il se trouve qu’au plafond du deuxième étage une grande baie vitrée, symétrique à la taille des escaliers a été installée en tant que principale source d’éclairage (MESNIL, p. 35). Le plan de la batisse qui , permet justement la grande fluidité du bâtiment grâce à sa composition ouverte réfléchie selon les emplacements de chaque invité dans la pièce. Les puits de lumière sont importants dans la création de la bâtisse puisqu’ils témoignent de l’admiration pour la nature des architectes de l’Art nouveau, celle-ci devient une source primaire de créativité.
Cela se fait aussi voir dans les choix de décoration à l’intérieur. En effet, les formes organiques sont ce qui ressort le plus de la photographie. Elle est cadrée pour faire en sorte qu’il soit possible d’y voir les détails sur la mosaïque du parquet, sur le mur au fond de l’escalier ainsi qu’au sein même de la structure de la maison. Les rampes d’escalier en fer forgé ainsi que la mince colonne habillent la pièce élégamment et se rangent parfaitement dans cet univers organique qu’est le lobby de l’hôtel Tassel. La répétition du motif en « coup de fouet », une touche classique de Victor Horta, se fait sentir partout dans cette entrée.
C’est d’ailleurs l’architecte lui-même qui a créé la totalité des décors, autant les fresques sur les murs et le plancher que les poignées de porte et les vitraux. Tous d’inspiration végétale, ils créent des espaces inattendus en scandant les espaces illuminés chaleureusement. Les lignes exubérantes se déploient partout au sein de l’image, elles fouette, s’enroulent et s’entrelacent dans tous les espaces de celle-ci à la façon de lianes sauvages prisonnière d’un intérieur. Autant en grimpant sur les rampes d’escalier, qu’en rampant sur les colonnes du lobby, elles sont partout où les yeux se posent sur l’image (MESNIL, p. 36). L’essence même de cette photographie, par ses couleurs chaudes et par sa géométrie, permet de calmer cette jungle sauvage puisqu’elle est cadrée de façon à ce que les formes organiques contrastent avec les formes géométriques. Comme le mentionne Françoise Aubry, conservatrice du Musée Horta ainsi qu’écrivaine de nombreux roman sur ce dernier, « L’hôtel Tassel exerce un charme puissant sur ceux qui le visitent, peut-être parce qu’il y flotte une certaine grâce, celle du moment précieux où un architecte libère une imagination foisonnante, avec spontanéité et légèreté, transcendant les dures années d’apprentissage.» (AUBRY, 1996, p.36).
L’image est aussi cadrée pour faire en sorte que les yeux du spectateur se posent sur l’impressionnant escalier d’honneur. Celui-ci, créé avec une verticalité impressionnante qui culmine sur les espaces privés de vie, permet une ascension accompagnée d’une lumière douce et chaleureuse. Ces teintes chaudes qui ressortent de la photographie mettent en valeur les formes organiques ainsi que l’éclairage naturel de la pièce.
L’hôtel Tassel, plus qu’une simple maison bourgeoise, représente l’esprit du temps industriel et mélange l’idée d’un foyer chaleureux avec la froideur de l’essor de la technologie (DELEVOY, p. 5). La logique des matériaux se déconstruit et laisse place à un changement drastique dans leur utilisation. Le fer forgé devient une pièce de décoration d’intérieur créant un contraste assez surprenant entre une ode à la nature qui se lie avec une idée de modernité. Les teintes chaudes de la maison donnent donc un air beaucoup plus personnel à la demeure et invitent les visiteurs à pénétrer plus loin. La gamme chromatique de la photographie est aussi assez intéressante à observer puisque le dégradé de couleur qui en ressort est spectaculaire. Le haut du mur du fond des escaliers, et ce grâce à l’éclairage des puits de lumière présente un dégradé qui commence avec un blanc pur et descend tranquillement vers des teintes orangées. Le reste des décors du lobby d’entrée sont tous dans les mêmes teintes avec du rouge près des escaliers, de l’orange pour le mur de gauche et selon l’angle et l’éclairage de la photographie, une teinte rosée pour le plafond et le haut des murs. Il est intéressant de constater que cette teinte rose est probablement causée par l’angle de la caméra ainsi que le reflet du orange sur les murs. La photographie est donc capable de créer un univers de couleur au sein même d’une pièce qui n’en possédait pas nécessairement un à la base. Celle-ci permet réellement de faire ressortir toute la qualité du travail minutieux ainsi que la théâtralité d’un architecte de l’Art Nouveau comme Victor Horta.
Bibliographie
- AUBRY, Françoise, Horta, ou, la passion de l’architecture, Gand, Ludion, 2005, 219 p.
- AUBRY, Françoise., BASTIN Christine., EVRARD, Jacques., Victor Horta à Bruxelles, Bruxelles, Racine, 1996, 143 p.
- DELEVOY, Robert, Victor Horta, Bruxelles, Elsevier, 1958, 12 p.
- LOYER, François., DELHAYE, Jean, Victor Horta : Hotel Tassel : 1893-1895, Bruxelles, Archives d’architecture moderne, 1986, 150 p.
- MESNIL, Christian, Victor Horta : l’inventeur, Bruxelles, La Renaissance du Livre, 2001, 156 p.
- MESNIL, Christian, Victor Horta : un maître de l’Art nouveau : sa vie, son œuvre, Braine-l’Alleud, J.-M. Collet, 1990, 95 p.