L’ensemble des plans de Raymond Unwin de 1919 font partie des projets qui ont eu une des plus grandes influences sur le paysage architectural en Angleterre, dû au grand nombre de leurs constructions. Même si ces plans n’ont pas été suivis à la lettre, destinés à servir que d’exemples pour une intégration harmonieuse des nouveaux quartiers développés, ils se rattachent intimement aux habitations érigées. C’était la réponse ultime, qui selon certains, sauva l’Angleterre d’une révolution après la Première Guerre mondiale. Par contre, cette ruée vers l’augmentation de l’offre en logements devait épater : aucun détail ne devait être négligé. D’un point de vue d’intégration architecturale, dans les quartiers construits par l’Addison Act, est-ce que le gage de l’état, par la délégation de la fourniture des habitations ouvrières aux conseils locaux, a réellement bien été intégré au bâti existant?
While the housing of the working classes has always been a question of the greatest social importance, never has it been so important as now. It is not too much to say that an adequate solution of the housing question is the foundation of all social progress… The first point at which the attack must be delivered is the unhealthy, ugly, overcrowded house in the mean street, which all of us know too well. If a healthy race is to be reared, it can be reared only in healthy homes; if drink and crime are to be successfully combated, decent, sanitary houses must be provided; if ‘unrest’ is to be converted into contentment, the provision of good houses may prove one of the most potent agents in that conversion.
Extrait du discours donné par le Roi aux représentants des sociétés et autorités locales au Palace de Buckingham, The Times, 12 avril 1919.
La solution
Comme l’a démontré l’historien de l’architecture Mark Swenarton; après la Première Guerre, l’urgence d’agir se faisait sentir dans le mécontentement des citoyens, les membres du pouvoir le savaient. Ils se sont, de force, rendus à l’évidence que les contracteurs privés ne pourraient jamais atteindre le manque d’habitations à combler dans des délais raisonnables et que s’ils ne faisaient rien, ils risqueraient une révolution. Sous l’échauffement de la situation, il s’en est décidé, semblerait-il avec empressement, de subventionner les autorités locales pour la gestion de ce projet d’envergure nationale. L’objectif de construire, dès la première année en temps de paix, 300 000 maisons étant dotées de commodités nettement supérieures à celles des habitations existantes de la classe ouvrière à l’époque. Les nécessités établies pour le programme de construction d’après guerre sont apparues dans le Tudor Walters Report en novembre 1918. S’ensuivit l’Addison Act, en 1919, instaurant les subventions du gouvernement central destiné aux autorités locales : la construction pouvait maintenant commencer. L’Addison Act bonifia aussi certains paramètres du programme précédent. Par exemple : les pièces des modèles proposés étant un peu plus grandes. L’argument rationnel expliquant la qualité inégalée des maisons construites, voulait tendre que le problème des maisons insalubres serait réglé pour toujours s’ils construiraient des habitations à l’épreuve de l’obsolescence… En estimant les essentiels d’une famille ouvrière, 60 ans après leur construction. Mais surtout, cette grande philanthropie par le gouvernement était surtout motivée par une vigoureuse volonté de regagner la confiance des citoyens. Pour étonner, il fallait faire grand. Par contre, le but de l’exercice se voulait d’être entièrement positif, alors chaque détail devait éviter la controverse. C’est alors que Raymond Unwin en profita pour incorporer son idée d’emmener à chaque projet une intégration de l’architecture vernaculaire à l’immédiat des secteurs développés, au point 37 du Manual on the Preparation of State Aided Housing Shemes :
Good Exterior design in harmony with the surroundings and adapted to the site should be secured ; on sites of varying character each individual group of buildings will need to be carefully adapted to suit its position, and take advantage of opportunities such as aspect, prospect and levels which that position offers.. By the choice of suitable local materials, and the adoption of simple lines and good proportion and grouping of the buildings, with well considered variation in design and in the treatment of prominent parts, good appearance may be secured within the limits required by due economy.
Manual for the Preparation of State Aided Housing Shemes, London, H.M.S.O., 1919, p. 8, point 37
Respect des paramètres du Manuel
Avec les années suivant le début du lancement du programme de construction des maisons par les conseils, la qualité des standards régressait. En 1929, Raymond Unwin comptabilisa les superficies moyennes rétrécissantes des maisons : Les « Class A » faisaient 88 mètres carrés en 1919, 80 mètres carrés en 1923 et 79 mètres carrés en 1927. Un facteur important pour Unwin, l’harmonie architecturale des council house d’après guerre selon l’architecture vernaculaire locale, recula également : en 1926 le Council for the Preservation of Rural England déplorait la dégradation du paysage rural par les nouveaux développements résidentiels mal planifiés et sans rapport architectural aux environs. En 1927, le ministère de la Santé publia un nouveau manuel rappelant l’importance de l’intégration des nouvelles maisons subventionnés à l’architecture vernaculaire en place. Unwin faisait partie du comité de rédaction de ce manuel et rappela plusieurs points emmenés dans le livre The Art of Building a Home, où il avait fait partie du comité de rédaction, en 1901. Tous les modèles proposés dans le Manual for the Preparation of State-Aided Housing Shemes se rapportaient aux maisons typiques de l’Angleterre rurale, de l’époque pré-industrielle fig.1.
David LALLY, Pendean Farmhouse, Weald & Downland Living Museum, Google Maps, 2021.
Cette maison de ferme datant de 1609, restaurée à sa forme d’origine, située à 80 kilomètres au sud de Becontree, dans un musée exposant la vie rurale avant la révolution industrielle, présente des inspirations évidentes aux council houses de l’Addison Act : Un toit en croupe est l’élément le plus évident. Ce type de toiture constituait aussi d’un choix économique, puisqu’il coûtait moins cher à construire qu’un toit à deux versants, plus économe en poutres de toit. L’élément le plus répandu, pas seulement dans les council houses d’entre guerres, mais de l’architecture résidentielle en Angleterre, sont les solins des fenêtres du dernier étage rencontrant l’avant toit, à la même hauteur. Aussi, la séparation du rez-de-chaussé et du premier étage par l’utilisation de revêtements extérieur distincts a été repris sur certains modèles construit dans le développement de Becontree.(Fig. 2)
London City Council, Becontree Tenant’s Handbook, The British Publishing Company Ltd., Londres, Décembre 1933
L’exemple plus commun des unités présentes au développement de Becontree avait un revêtement tout brique, certaines avec une rangée de briques en légère saillie, située entre les fenêtres des deux étages : fesant clin d’œil à la séparation visible entre les deux étages de plusieurs exemplaires de maisons vernaculaires.(Fig. 3)
Gauche : London City Council, Becontree Tenant’s Handbook, The British Publishing Company Ltd., Londres, Décembre 1933
Droite : Historic England, Page couverture, Domestic 1: Vernacular Houses, Historic England, 2011
En conclusion, à la dissolution du programme de subvention de l’Addison Act, seulement 178 000 unités ont été fabriquées sur la prévision de complétion de 500 000 maisons en trois ans. Le relâchement graduel des recommandations, sous forme de dissolution de la qualité par les constructeurs, plus précisément de l’intégration architecturale, a été repéré et une intervention a eu lieu. Malgré la montée des coûts des matériaux et un secteur de construction privé démotivé, les maisons de l’Addison Act réussirent tout de même à faire éviter une révolte sociale. Les habitants de ces nouveaux développements ne se plaignant que très rarement. Ce programme de subventions servit de patron à l’évolution des projets de construction des council housing après la Deuxième Guerre mondiale, qui aura assez maturé pour s’attaquer sérieusement aux bidonvilles des centres urbains. Au moment où Margaret Thatcher annonça, en 1980, le Right to Buy, un programme permettant aux locataires d’acheter leurs logements sociaux, 30% des citoyens en Angleterre demeuraient dans un logis régie par un Council. L’Addison Act marqua définitivement le début d’un système très populaire. Sans cette contribution gouvernementale, l’Angleterre ne serait définitivement pas ce qu’elle est aujourd’hui, architecturalement, mais surtout socialement.
MILLER, Mervyn, Raymond Unwin: Garden Cities and Town Planning, Londres, Leicester University Press, 1992, 299 p.
Local Government Board, Manual on the preparation of state-aided housing schemes, Londres, H.M.S.O., 1919, 75 p.
BURNETT, John, A Social History of Housing, Londres, Methuen, 1986, 387 p.
London City Council, Becontree Tenant’s Handbook, The British Publishing Company Ltd., Londres, Décembre 1933, 34 p.
Historic England, Domestic 1: Vernacular Houses, Historic England, PDF, 2011