Réalisation marquante de l’architecte Rudolf M. Schindler et de son style définit comme l’architecture de l’espace.
La Lovell Beach House a été construite entre 1923 et 1926, à Newport Beach en Californie. L’architecte derrière ce projet est Rodolf M. Schindler. Approché par le Docteur, naturopathe, Philip Lovell, Schindler répond au souhait de celui-ci, soit posséder une résidence secondaire correspondant à son mode de vie tourné vers les biens fait de la nature sur le corps humain. Schindler a décidé de créer une résidence surélevée pour 3 raisons bien précises. Premièrement, d’un côté esthétique, cela permettra de rythmer la structure grâce à ses 5 cadres de béton. Deuxièmement, cette hauteur procure une intimité aux résidents, tout en assurant une vue incroyable sur l’eau à perte de vue, la mer étant beaucoup plus près à l’époque. La troisième raison fut la réponse au défi qu’apporte la région. La résidence se devait d’être construite de façon à résister aux tremblements de terre, étant construite dans une zone sismique très active. Dans une étude des dessins d’architecture de chaque étage, en plan, ainsi que d’une coupe d’élévation, il est possible de voir la réflexion derrière la composition de l’architecte. Ses plans nous permettent de visualiser la fonctionnalité entre les pièces et l’espace.
portrait du Docteur Philip M. Lovell
Planification de l’espace
Vue de l’extérieur, la résidence peut sembler asymétrique, par contre, si l’on porte une attention plus particulière à la coupe, on se rend compte que la structure rectangulaire est toujours respectée. La volumétrie cubique du bâtiment est accentuée par ses toits plats à différents niveaux. La façade nord, n’étant pas porteuse, vient, elle aussi, jouer avec les volumes, ne répondant à aucune logique structurelle. L’aménagement intérieur est aussi fait sur un plan rectangulaire, très rectiligne. Il répondra aux besoins reliés aux nombreux tremblements de terre de la région avec brio. Il utilisa des murs légers, qui sont suspendus à la structure, permettant un déplacement indépendant lors des secousses. L’organisation des pièces dévoile aussi un sens logique dans les déplacements. Schindler a procédé à une séparation des étages bien distincte, les espaces dit public, de vie commune, sur l’étage principal et les espaces plus privé au second. De plus, il est possible de remarquer que l’architecte a développé de nombreux balcons dans son projet, laissant présager la présence de nombreuses fenêtres, et donc par le fait même, de lumière naturelle.
Plan du rez-de-chaussée
Le Rez-de-chaussée de la résidence comprend un garage, une douche, un foyer ainsi qu’une aire de jeux couverte au rez-de-chaussée. La Façade ouest, celle donnant sur la rue qui permet l’accès a la plage publique, laisse voir l’ossature de béton qui permet à la structure de s’élever. Ces cadres de béton servent de base a la structure, jouant le rôle de pilotis. La mise en scène des deux escaliers, qui donnent accès à l’étage, et grâce à la structure en porte-à-faux, donne une prestance et une profondeur significative au domicile.
Plan du premier étage
L’étage principal se compose de deux sections. La première, est une section plus fonctionnelle, il s’agit d’une salle de bain, d’une pièce de maintenance et d’une cuisine. Cette section est condensée dans un espace assurant l’ergonomie, mais qui n’occupe pas la majeure partie de l’étage, restant au second plan. La deuxième section de l’étage est consacrée principalement à la salle à manger et au séjour, offrant un aménagement complètement libre de l’espace. La double hauteur de cette pièce souligne une fois de plus l’importance de ce lieu de vie commune. La présence du balcon et de la fenestration monumentale sur la façade sud de la résidence, permet une luminosité constante et abondante et du fait même, d’air pur.
Plan du deuxième étage
Le deuxième étage quant à lui est constitué d’une salle de bain et de 4 chambres. Chaque chambre possède un accès à un balcon en porte-à-faux, couvert. Cet élément avait été demandé par M. Lovell afin de passer des moments, et même des nuits, à l’extérieur, tout en permettant de profiter d’une certaine intimité. Ce dernier changera par la suite d’idée, et demandera à Schindler de fermer cette section. L’architecte déplaça la fenestration déjà présente des pièces, afin de fermer la structure tout en lui laissant un grand bandeau de fenêtre, permettant à l’aire et à la lumière de continuer à jouer un rôle important dans le fonctionnement de la
résidence.
Dichotomie du fonctionnalisme et de l’architecture de l’espace
L’aménagement et la séparation de l’espace intérieur peuvent s’associer au mouvement de style De Stijl. La combinaison de lignes et de formes créant un espace organisé. Chaque section de la maison est divisée de telle sorte qu’elles sont toutes indépendantes l’une de l’autre, tout en étant interreliées. Elles répondent toutes à une fonction précise. Schindler ne se définit, toutefois, pas comme un fonctionnaliste. Dans ses écrits, il mentionne même que les fonctionnalistes ne cherchent à donner aucun sens à leur construction, seulement une réponse à une fonction. C’est peut-être là qu’il se détache des grands Maître du modernisme et que l’on voit la réelle définition de son « architecture de l’espace ».
« They limit themselves entirely to the problems of civilization that is the struggle to adapt our surrounding to our limitations. They forget that architecture as an art may have the much more important meaning of serving as a cultural agent-stimulating and fulfilling the urge for growth and extension of our own selves ».
-Rodolph M. Schindler, dans « Housing…the Hillside, Los Angeles, Californie » par Micheal Earl Vallen.
Nous avons vu que, bien que le projet de Schindler corresponde en tout point aux caractéristiques du mouvement moderne tel que défini par Le Corbusier, soit posséder un plan libre, un toit plat, de grandes ouvertures en bandeau, la présence de pilotis ainsi qu’une façade non-structurelle, il ne sera jamais reconnu par ses pairs de son vivant comme un architecte du modernisme et du style international. Ce qui sera l’une des plus grandes déceptions de l’architecte. Lors de l’exposition du MOMA en 1932, son travail sur la Lovell Beach House est exclu en raison de l’unicité que les commissaires lui ont trouvée dans le traitement des fenêtres, usant de petits carreaux de verres et jouant avec les formes, créant un rythme qui, selon eux, ne convient pas au besoin d’absence d’ornementations du style international. L’ironie de cette situation se trouve dans l’admission tardive de ses réalisations, tel sa résidence de West Hollywood et la Lovell Beach House, dans la catégorie des canons du mouvement moderniste.
En terminant, la Lovell Beach House est intéressante puisqu’elle est le témoin de l’un des premiers projets de style moderne américain. Il transpose le souci des dimensions culturelles, technologiques et climatiques de l’architecte. Ce projet a été pour Schindler le moyen de travailler et expérimenter de nouveaux matériaux comme le béton et de nouvelles techniques de construction en coulant sur place des éléments de la structure et en utilisant la préfabrication pour d’autres. Travaillant en zone sismique. Cette maison de vacances est une construction dans le style international, certes, mais elle sera considérée par plusieurs comme précurseur du style brutaliste des années 1950. La Lovell Beach House restera une représentation toujours visible de ce que son architecte nommait « l’architecture de l’espace », qui se doit de s’adapter à l’humain qui y vit.
Bibliographie
BISOM-RAPP, Skylar, R.M. Schindler’s Lovell Beach House, Youtube, 2016, 56 sec. https://www.youtube.com/watch?v=LCOx9Bym4i0
Frampton, Kenneth, David Larkin, David Larkin, Michael Freeman, Ronald Corlette-Theuil, Michael Freeman, and Paul Rocheleau. Grands Architectes Et Maisons Américaines Du Xxe Siècle. Paris: Seuil, 1995.
Hines, Thomas S. Architecture of the Sun: Los Angeles Modernism, 1900-1970. New York: Rizzoli, 2010.
HODGINS, Paul, « Lovell House », Orange County Register, 18 décembre 2015. https://www.ocregister.com/2015/12/18/lovell-house/
MAK Center, Rudolph M. Schindler. https://www.makcenter.org/biography
Malamug, Anabelle, Analyse de Lovell Beach House (1926) par Rudolph Schindler, 18 mars 2019. https://portfolio.newschool.edu/anabellemalamug/2019/03/18/lovell-beach-house-case-study/
Sarnitz, August E. “Proportion and Beauty-The Lovell Beach House by Rudolph Michael Schindler, Newport Beach, 1922-1926.” Journal of the Society of Architectural Historians 45, no. 4 (1986): 374–88. https://doi.org/10.2307/990208.
Sarnitz, August, August Sarnitz, R. M Schindler, and R. M Schindler. 1988. R.m. Schindler : Architect : 1887-1953. New York: Rizzoli.
VALEN, Micheal Earl, « Housing…the Hillside, Los Angeles, Californie », Mémoire de maîtrise, Blacksburg, Virginia Tech, 1993, https://vtechworks.lib.vt.edu/handle/10919/36539.
Weston, Richard. Maisons Du Xxe Siècle. Paris: F. Hazan, 2002.
Votre travail m’a vraiment intrigué car, bien que la Lovell Beach House soit construite avant cela, j’y retrouve quelques points communs avec la Maison de Verre de Pierre Chareau sur laquelle j’ai travaillé, et cela m’a donné quelques pistes à favoriser pour la suite de mon travail, alors merci pour ça!
Pour ce qui est des plans que vous avez choisis et de votre analyse de ceux-ci, je les ai personnellement trouvés clair et concis, et, additionné à la phrase où vous y dites que Lovell « souhaitait une résidence secondaire qui corresponde à son mode de vie tourné vers les bienfaits de la nature sur le corps humain. », cela m’interroge sur comment Schindler a réussi à répondre aux demandes de son commanditaire à travers l’architecture de cette maison. Après quelques recherches, j’ai trouvé une thèse portant sur plusieurs architectures domestiques en Californie, nommée Housing… the Hillside, Los Angeles, California par Michael Earl Vallen en 1993 (https://vtechworks.lib.vt.edu/handle/10919/36539), dont un passage est dédié à Schindler et la Lovell Beach House. Je pense que ce document peut vous être utile, car on y comprend mieux la manière de penser de Lovell face à l’habitat domestique, à travers ses articles dans le Los Angeles Times : « he intended that his readers would understand that this healthy environment could only be attained through a considerate architecture. ». Et, comme nous apprenons plus haut dans ce document que Schindler s’inspire de conditions limitatrices souvent données par le commanditaire pour penser les architectures qui lui sont demandées, on peut alors trouver une corrélation entre les propos de Lovell et les travaux de Schindler. J’ai de plus trouvé ce documentaire de 23 minutes nommé R. M. Schindler : The Lovell Beach House (https://www.youtube.com/watch?v=0MFOgR9JWOM), qui permet par un tour du bâtiment de mieux comprendre la structure de celle-ci, tout en comprenant l’enjeu de Schindler de donner à Lovell une maison avec les spécificités qu’il avait demandé dans une architecture Internationale, simple et géométrique.
J’espère que ces sources vont vous aider dans la suite de votre travail, et ai hâte de lire la suite de celui-ci!
Le projet sur la Lovell beach House par l’architecte Rudolf M. Schindler à particulièrement attiré mon attention par la linéarité du bâtiment. Le travail de recherche explique d’ailleurs clairement la fonctionnalité de ces pièces et comment elles interagissent dans l’espace. Le tout présenter dans un sens logique, on saisit rapidement, dans l’analyse des plans, la minutie de l’architecte par rapport à l’organisation des différentes pièces. Aussi, l’importance de la lumière naturelle est mise de l’avant dans le projet, et on le comprend par le premier paragraphe qui explique que la commande devait refléter les bienfaits de la nature sur le corps humain.
Je crois que ce que je préfère de cette maison est la séparation distincte des espaces de vie et des espaces privés qui permet de mettre de l’avant le séjour, tout en conservant une certaine intimité. Le travail de recherche met en lumière la mezzanine et les nombreux balcons qui permettent la grande ouverture pour la lumière du jour. Je souhaiterais lire la suite de la recherche pour mieux comprendre les effets de cette organisation spatiale sur les humains qui l’habitent. Effectivement, l’analyse s’attarde à la présence des nombreuses fenêtres, c’est pourquoi je recommande une première ressource qui permet de bien comprendre l’importance de la lumière naturelle en architecture. Comme c’était l’objectif principal de la commande, il serait intéressant d’inclure une poursuite à ce sujet dans la prochaine partie du travail de recherche. Également, il pourrait être pertinent d’inclure une section sur la conception biophilique réfléchie par Schindler. Comment le bâtiment interagit avec la nature ou encore comment le bâtiment aurait pu optimiser le bien-être en incluant également des espaces verts à l’intérieur. C’est pourquoi je recommande également une source sur les bienfaits du design biophilique.
1) https://www.megastructures.fr/importance-lumiere-naturelle-en-architecture/
2) https://deavita.fr/design-interieur/bienfaits-design-biophilique-architecture-definition-tendance-2022-bureau-416163/