L’usine de Grosse Montagne au XVIIIe siècle, au Guadeloupe, sous la tutelle coloniale française, vue par Thomas Jorion

Les vestiges de l’usine de la Grosse Montagne à Lamentin sur l’île de Basse-Terre , au Guadeloupe. Photographie par Thomas Jorion . https://thomasjorion.com/collection/guadeloupe/

Il s’agit d’une usine construite à partir de 1890 comme unité sucrière , aujourd’hui elle est considéré comme fesant partie du patrimoine de la Guadeloupe. Thomas Jorion voyage à travers d’anciens colonies françaises et photographie la grandeur de leurs vestiges passés . Amenant ainsi une réflexion au sujet des gloires dévolues et des questions mémorielles qui s’y rattache. À partir de la lumière naturelle du lieu, Jorion fait ressortir une essence unique de l’évolution du temps sur le bâtiment.

Jules Ferry était un politicien français qui influença fortement l’expansion coloniale du XIXe siècle. Le système coloniale français devait reposer sur des idées d’ordre économique, politique et patriotique. Ferry fit notamment question de ses éléments lors de son discours sur Les fondements de la politique coloniale le 28 juillet 1885. (LCP , Assemblée nationale)

Il faut considérer que l’empire colonial français avait à cette époque plusieurs colonies dont l’utilité principal reposait sur les plantations de denrées essentielles dont le café et le sucre. Malgré l’expansion de l’empire britannique à cette même époque , l’empire français conservait l’intégralité des acquis sur les îles antillaises. Notamment, en Guadeloupe, les usines sucrières ont façonné le territoire et la société grâce aux activités économiques. Cette industrie permis de créer le tout premier découpage administratif du territoire. Il y a une forte domination dans les rapports sociaux entre les membres de l’empire coloniale français et les habitants créoles qui encore aujourd’hui demeure omniprésent dans les mémoires familiales .

Le fondateur et administrateur à l’origine du projet demeure encore  inconnu. Ainsi , il y a une impossibilité de connaître les directives générales du projet lors de sa construction. Néanmoins, l’usine sucrière de la Grosse-Montagne est localisé entre la mer des Caraïbes et le volcan de la Soufrière , qui est un important réseau hydrographique. Ce lieu fut choisi pour la qualité de ses sols et de son climat fertile des tropiques. L’empire colonial choisi exactement une île pour ses exploitations , car elle est idéal comme isolat pour la nouvelle main-d’œuvre qui ne peut s’échapper dû à la situation géographique des lieux. Le début des travaux commence vers 1890 , il y a un ajout quelques décennies plus tard, en 1925, d’une unité sucrière. On estime plusieurs bâtiments, de bureaux administratifs et de pavillons à l’ensemble structurel de l’usine. Certainement qu’elle fût munie d’une distillerie, d’un habitat-sucreries, et d’ateliers privés. Il y eu un ensemble de batterie, de chaudières , d’un système opérationnel d’épuration , de presse à eau, de système opérationnel de filtration , de purgeries , de monte-jus , de tables à sucre , de grands récipients servant au refroidissement et de moulins à broyer la canne. Il y un foyer pour chacune de ces unités. Il serait à croire qu’il s’agissait d’une commande du groupe industriel La Grosse Montagne à un ingénieur militaire à l’époque. Nous savons qu’à cette époque plusieurs étaient sur l’île de la Basse Terre entre autres pour la construction de forts et d’hôpitaux. 

La plantation est utilisée  par l’État impérial-républicain comme un outil de production. L’usine de la Grosse-Montagne ne fut pas l’une des plus grosses productions de Guadeloupe. Cependant , elle s’inscrit dans un continuum alors que la consommation mondiale de sucre s’élève à 6 000 000 de tonnes par an. (Dumont, Jacques. (2010) p.33 )On estime à cette époque que sur une plantation il y avait environ entre cent et cent-cinquante esclaves. Malgré qu’en 1848 il y eut l’abolition de l’esclavagisme , cela pris plusieurs années avant que ça soit définitivement terminé . Cela témoigne de la résistance des anciens rapport de production. Cela occasionne une crise majeure du paradigme sucrier. Les conditions d’exploitation qui ont des similarités à l’esclavage , soit l’engagement (Dumont, Jacques. (2010) p.122) avait comme objectif une plus grande rentabilité pour le maître. Il y a par ailleurs la création d’usine et de manufacture moderne actionnée par la vapeur . (Schnakenbourg, C. (2000) , p.171) Modes d’organisation centralisés . Faible production des habitations-sucreries. (Schnakenbourg, C. (2000), p.125 )

Les catastrophes des décennies 1970-1980 ont mené à un déclin de l’industrie. Ainsi en 1994 on voit la fermeture de l’usine de la Grosse Montagne. On centralise la production sucrière . Cette décision prise à la fin du XIXe siècle, a comme objectif la concentration de la  production afin d’en accroître la rentabilité.

Thomas Jorion est un jeune photographe contemporain d’Europe. Il est autodidacte. Il publie Vestiges d’empires par les éditions De la Martinière en 2016. Un ouvrage regroupant de nombreuses ruines de l’empire colonial français dans ses colonies en Afrique, en Inde , en Asie du Sud-Est. Comme il fût démontré dans ce texte, nous nous intéressons plus précisément à la Guadeloupe , île des Antilles. Il investigue le passé à partir des transformations du présent, dans un contexte contemporain. Il se fait une appropriation des lieux qu’il visite à partir de ces photographies. Il doit nécessairement réfléchir à la composition , à son cadre , à son processus et ses procédés. Il est pour ainsi dire le propre scénographe de ses photographies. La prise de vue de cette photographie est de face. Il utilise un format rectangulaire pour cette image. Il souligne l’importance de la lumière naturelle de la photo. Le choix des saisons lors de ses voyages correspond au moment de l’année où il y a le plus de lumière. C’est pour ainsi dire un choix technique qui mène à ce résultat. Il travaille avec une chambre photographique. Par ce procédé, il met en évidence des traits hautes lumières et des traits basses lumière. Une contrainte qu’il met à son avantage à partir du négatif. Il choisit de ne présenter dans cette capture aucun ornement ou élément soulignant la richesse de l’empire français. De plus, il n’y présente aucune présence de figure humaine. Aucun effet n’a été ajouté afin de souligner la netteté du lieu . Sur cette photographie , il est souligné l’importance de la structure en fonte et en métal liant le bâtiment bétonné (à gauche) au bâtiment de brique (à droite). Ainsi, il y a le témoignage d’une transformation fait par le temps sur ce bâtiment. La composition complexe de la photographie avait le souhait d’offrir une dimension historique au lieu et une dimension universelle .  

Afin de conclure, dans son ouvrage Le plaisir des images , l’historien de l’art Maxime Coulombe fait référence à l’importance de la mémoire épisodique dans notre rapport à l’image.

«Elle n’est pas le fait de généralisations  , mais au contraire marquée par un contexte précis, singulier : celui du moment qu’elle ramène à la mémoire.» (Coulombe, M. p.78) 

Nous pouvons ainsi en comprendre que le contexte particulier de l’usine de la Grosse-Montagne en Guadeloupe , à partir des photographies de Jorion nous ramène une mémoire épisodique d’un vestige oublié.

Bibliographie

Charley, C. (2004). « Maisons de maître et habitations coloniales dans les anciens territoires français de l’Amérique tropicale » , In Situ, volume 5, 1-65.

Schnakenbourg, C. (2000). La création des usines en Guadeloupe (1843-1884) : recherche sur la modernisation de l’industrie sucrière après l’abolition de l’esclavage. Bulletin de la Société d’Histoire de la Guadeloupe, 21-115. https://doi.org/10.7202/1043188ar

Dumont, Jacques. (2010). L’amère patrie, Histoire des Antilles françaises au XXe siècle, Paris , Fayard, 1-211.

Pabois M. et Toulier B. (2005), Architecture coloniale et patrimoine : L’expérience française , Paris, INP , collection «Editions d’Art » , 1-191.

Jorion, T. (2016) , Vestiges d’empires, Édition La Martinière, Paris. , 1-181.

Coulombe, M. (2019). Le plaisir des images. Puf. Paris. 1-183.

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