La Maison de Verre est un projet dirigé par l’architecte Pierre Chareau, en collaboration avec Louis Dalbet et Bernard Bivjoet, à la demande du Dr Dalsace et son épouse qui ont aussi vivement participé à sa conception. Située au 31 rue Saint-Guillaume dans le 7ème arrondissement de Paris, la Maison de Verre s’inscrit dans le registre du modernisme à ses débuts, un style architectural basé sur des innovations dans la construction, comme l’utilisation de verre, de béton armé et d’acier, additionné au minimalisme. Elle est de plus une référence en matière d’ingéniosité grâce aux prouesses techniques et esthétiques de Chareau, et notamment d’avant-gardisme par l’utilisation importante de matériaux tels que le verre, qui n’avait jamais été utilisé auparavant pour l’entièreté d’une façade. Par ailleurs, la Maison de Verre est un exemple parfait en matière d’architecture considérée comme aérée, d’une part car elle met en avant la lumière apportée par la façade en carreaux de verre, d’autre part car les espaces, même séparés, permettent d’avoir des vues sur d’autres pièces soit par des ouvertures comme la mezzanine, soit par des murs de verre, ou par des façades en tôle et verre perforés. C’est à l’aide des caractéristiques particulières de cette architecture domestique avant-gardiste que nous allons chercher à comprendre l’intérêt pour Chareau de créer un jeu entre le domaine public et celui du privé à l’aide de la lumière.
Pour ce faire, il est important de rappeler certains attributs propres à la Maison de Verre à l’aide du plan axonométrique que Kenneth Frampton, critique d’architecture, a réalisé en 1965. En effet, parmi les conséquences de la Seconde Guerre Mondiale se trouve la perte d’archives, dont faisaient notamment partie les plans de Chareau sur la Maison de Verre. Il est alors plus judicieux de se focaliser sur les plans plus récents de Frampton, et principalement le plan axonométrique. Ce plan présente extrêmement bien l’architecture droite et moderne de l’ensemble des trois étages mais il faut cependant se renseigner plus amplement sur la structure des lieux, car bien que le plan axonométrique ne fasse pas comprendre la hiérarchie des lieux ou encore l’organisation des espaces, il représente l’élément qui interpelle le plus sur ce plan qui est sûrement le quadrillage présent correspondant au placement des carreaux de verre dans l’entièreté du bâtiment. Frampton explique dans l’article « Maison de Verre » pour le vol. 12 de The MIT Press que les trois étages de la maison ont chacun une fonction spécifique : le rez-de-chaussée correspond au cabinet du Dr Dalsace et sa fonction est alors d’ordre public « The ground floor was allocated to medical practice ». Au premier étage se trouvent les pièces communes comme la cuisine et notamment le Grand Hall, lieu principal de réception de la famille prenant la hauteur de deux étages, hauteur d’ailleurs accentuée par de grandes colonnes boulonnées et rivetées ainsi que par la mezzanine du deuxième étage créée à l’aide de bibliothèques en guise de balustrade. Frampton donne à cet étage la fonction de « « public » and « semi-public » space ». Pour finir, le dernier étage a finalement pour fonction celle du privée puisqu’il est l’étage où se trouvent les chambres et salles de bain « the second floor to private sleeping space, bedrooms, bathrooms, etc. ».
Façade extérieure de la Maison de Verre, Source : https://www.atlasofplaces.com/architecture/maison-de-verre/
Au-delà de cette organisation des étages, la configuration de la Maison de Verre ne laisse rien au hasard. Outre l’esthétisme des machines ou encore les changements de hauteur au niveau du sol créés par des additions de marches, chaque pièce est délimitée subtilement tout en laissant la lumière rentrer de toute sorte de manière. On peut premièrement revenir sur la mezzanine du deuxième étage qui, comme les rambardes autour de l’escalier arrivant sur le premier, est délimitée par des bibliothèques s’arrêtant à mi-hauteur. Ces bibliothèques ont la particularité d’être ouvertes dans le fond et laissent alors passer la lumière tout comme elles permettent d’apercevoir le Grand Hall de manière discrète et originale.
Grand Hall avec vue sur la mezzanine, Source : https://www.yellowtrace.com.au/maison-de-verre-paris-pierre-chareau-bernard-bijvoet/
Toujours au deuxième étage, on compte neuf petites pièces carrées qui « tapissent » le mur : ce sont des placards ayant comme portes des ailes d’avions et qui sont ouvrables à la fois du côté de la mezzanine, à la fois du côté des pièces à l’arrière. Encore une fois, Chareau joue autant avec la lumière qu’avec l’intimité en permettant de passer d’une pièce à l’autre par des placards n’étant pas conçus premièrement pour cela. Il en est de même pour la « série d’écrans de matériaux divers » (VELLAY, Dominique, La Maison de Verre; Le chef-d’œuvre de Pierre Chareau, Londres, Thames & Hudson Ltd, 2007, p.18) qui laissent filtrer la lumière dans l’entrée de cet hôtel particulier. En effet, certains des panneaux en tôle perforée qui font face à l’escalier principal menant au premier étage peuvent se rabattre, ce qui permet de choisir le degré d’intimité lors de visites tout en laissant la lumière passer.
Panneaux amovibles, Source : https://www.atlasofplaces.com/architecture/maison-de-verre/
Finalement, il est impossible de ne pas énoncer le mur de briques de verre Nevada qui crée la façade avant de la maison. Ce mur qu’on peut qualifier de pièce maîtresse est l’exemple même de ce jeu entre l’ordre du privé et celui du public car il laisse passer la lumière aveuglément tout autant qu’il permet de garder l’intimité de la famille par sa semi-opacité. D. Vellay dit d’ailleurs à ce sujet que « Le mur de verre du hall, formant la façade extérieure, absorbe la lumière et la réfracte. Elle envahit la pièce et son intensité vous trouble. Sa présence est absolue, monumentale lumière blanche, presque vertigineuse, qui ne permet aucun refuge. » (VELLAY, Dominique, p.13). Par ailleurs, la lumière était si nécessaire à l’architecture de Chareau que cinq projecteurs sur deux échelles en acier ont été placés devant cette façade, promettant un éclairage plus naturel dans la nuit par sa diffusion à travers les briques de verre.
Par son architecture fluide, aérée et ingénieuse, Chareau a parfaitement réussi à brouiller la frontière entre les fonctions du privé et du public notamment à l’aide d’innovations architecturales pour faire rentrer le plus de lumière possible à travers l’entièreté de la Maison de Verre. Outre cet enjeu d’intimité, on peut considérer que le rapport de Chareau avec la lumière dans cet espace a tout à voir avec une représentation théâtrale de la vie de tous les jours mise en avant par la clarté des salles qui se succèdent d’une logique faisant penser aux scènes d’une pièce.
Bibliographie
FRAMPTON, Kenneth, « Maison de Verre », The MIT Press, dans Perspecta, Vol. 12 (1969), pp. 77-109 et 111-128
VELLAY, Dominique, La Maison de Verre; Le chef-d’œuvre de Pierre Chareau, Londres, Thames & Hudson Ltd, 2007
CINQUALBRE, Olivier, Pierre Chareau La Maison de verre. 1928-1933; Un objet singulier, Paris, Jean-Michel Place éditions, 2001
JEAN EDWARDS, M. ; GEOFF GJERTSON, W., “La Maison de Verre : Negociating a Modern Domesticity“, dans Journal of Interior Design, Vol. 34 n°1 (Sept. 2008), pp. 15-37
VELLAY, Marc et Frampton, KENNETH, Pierre Chareau : architecte meublier : 1883-1950, Paris, Ed. du regard, 1984
Le texte sur la Maison de Verre rédigé par Marie Margot Lavenant est très bien écrit. On ressent bien la progression logique dans ses propos. Elle commence par introduire l’architecte pour mieux situer le projet dans le temps et l’espace. Ensuite, elle analyse plus en profondeur le type du dessin à l’étude. Elle décrit par la suite le parcours typique de la Maison de Verre pour faire ressortir les idées que l’architecte avait en tête lors de la création de sa maison de verre. Elle termine avec une vue d’ensemble de l’œuvre de Chareau et le sens du dessin. Aussi, j’ai aimé que certains détails architecturaux soient soulignés tels que le désire de Chareau de rendre esthétique les « machines » qui rendaient la maison fonctionnelle.
J’aurais toutefois apprécié connaître les inspirations qui ont mené Chareau à dessiner la Maison de Verre. Peut-être aussi des liens auraient pu être faits avec la matière vue en classe et les différents courants. Par exemple, il y a surement un lien entre la Maison de Verre et le Palais de Cristal qui était le premier bâtiment à être construit majoritairement de verre. Finalement, il aurait pu être intéressant d’ajouter plus d’images au texte pour apporter différentes perspectives du projet et ainsi aider à la visualisation.
Dans son ensemble, le texte est tout de même pertinent. Voici toutefois quelques sources pour approfondir le sujet.
HUXTABLE, Ada Louise (avril 1979). A house in the spirit of its time. The New York Times. Récupéré de: https://www.nytimes.com/1979/04/08/archives/architecture-view-a-house-in-the-spirit-of-its-time.html
HYLINE BUILDING SYSTEMS FRANCE. La maison de verre, construite à Paris entre 1928 et 1932 par Pierre Chareau. Récupéré de :
https://www.hyline-bs.fr/architecture-et-constructions-exceptionnelles/la-maison-de-verre-de-pierre-chareau/
La maison de verre de Pierre Chareau est un projet complexe et passionnant, qui regorge de surprises. La description du plan a permis une meilleure compréhension de cette maison si spéciale, qui a fait la notoriété de cet architecte français, comme cela a été mentionné dans ce texte.
Suite à ma lecture, je me suis questionnée sur plusieurs points, notamment l’auteur du dessin : Kenneth Frampton. N’y a-t-il pas d’archives des dessins de Pierre Chareau lui-même ? A-t-il réalisé des plans de la maison de verre ? Ce dessin de la maison de verre reflète-t-il donc les intentions de l’architecte ? Ou n’est-il pas simplement une représentation de cette architecture d’avant-garde ? Les architectes semblent chacun avoir leur « style » propre, qui reflète souvent leurs intérêts.
D’autre part, cette maison est connue pour sa façade gigantesque en verre, ce qui a été correctement soulevé. Je me questionnais sur le type de verre utilisé. Cela aurait pu être précisé et aurait surement apporté une dimension plus technique et précise au propos autour de ce dessin. Il aurait également été pertinent selon moi de justifier la présence et surtout la volonté de laisser apparente ces « grandes colonnes boulonnées et rivetées », bien que la volonté de rendre esthétique les « machines » ait été souligné à juste titre.
Enfin, pourquoi y-a-t-il deux entrées ? N’est-ce pas pour séparer les activités professionnelles du docteur Dalsace, de sa vie privée ? Il me semble que la relation entre espace privé et espace publique est une des caractéristiques majeures de cette maison, pourtant cela est seulement évoqué à la toute fin de la description, en guise de conclusion. D’après moi, il aurait été propice de faire davantage ressortir cet aspect malgré le manque évident de lisibilité du premier étage sur ce plan.
Références bibliographiques complémentaires :
VELLAY, Marc et Frampton, KENNETH, Pierre Chareau : architecte meublier : 1883-1950. Paris: Ed. du regard
CHAREAU, Pierre. et al (2005) La Maison De Verre. Tokyo: A.D.A. Edita