L’Unité d’habitation : La naissance d’une « Cité radieuse » au lendemain de la Seconde Guerre mondiale.

Un exemple inédit de la performance humaine et architecturale dans le domaine du logement collectif urbain à Marseille.

Dessin d’une cellule d’appartements réalisé à l’encre noire, Le Corbusier, vers 1947.
http://solarhousehistory.com/blog/2016/9/19/speculative-redesign-unite-dhabitation

« Chaque appartement est en vérité une maison à deux étages, une villa ayant son jardin d’agrément, à n’importe quelle hauteur » Le Corbusier.

Mise en contexte:

Dans les années 1940, Marseille souffre d’une importante pénurie de logements : le contexte de guerre ajouté au manque d’habitations originel de la ville impactent trente-deux mille familles qui se retrouvent alors sans abri. C’est donc en août 1945 que le Ministre de la Reconstruction et de l’Urbanisme, Raoul Dautry, confie à Le Corbusier le projet d’une « maison collective » afin de palier à ce manque de logement (Monnier, 2002, p.46).

La « Cité radieuse » de Marseille nait finalement en 1952. Un bâtiment brutaliste de 56 mètres de haut et 137 mètres de long, composé 18 niveaux, 7 rues intérieures et de 23 types d’appartements différents (Monnier, 2002, p.52).

Description du dessin architectural:

Exécuté à l’encre noire sur papier, le dessin choisi pour cette étude est une coupe architecturale rectangulaire présentant une cellule de deux appartements traversants de 98m2. Ce dernier fait partie des 2785 dessins réalisés pour accompagner la construction du projet. (Monnier, 2002, p.52). Sur ce plan, tous les espaces ne sont pas facilement identifiables, un plan de masse est également nécessaire afin de mieux cerner le projet et de visualiser l’agencement intérieur, aussi bien en longueur qu’en largeur.

Cette coupe architecturale est fondamentale dans l’étude du projet puisqu’elle permet de mieux appréhender l’agencement de l’Unité d’habitation. À travers celle-ci, Le Corbusier présente les appartements sous la configuration de L inversés, rendant ainsi possible leur emboitement sous la forme de cellules. Cette organisation permet d’aménager l’espace sur deux étages et de séparer la partie jour de la partie nuit. L’espace central de la coupe représente « la rue intérieure » menant aux appartements, c’est ici que l’on accède aux portes d’entrée (Sbriglio, 1993).

Cette coupe architecturale est fondamentale dans l’étude du projet puisqu’elle permet de mieux appréhender l’agencement de l’Unité d’habitation. À travers celle-ci, Le Corbusier présente les appartements sous la configuration de L inversés, rendant ainsi possible leur emboitement sous la forme de cellules. Cette organisation permet d’aménager l’espace sur deux étages et de séparer la partie jour de la partie nuit. L’espace central de la coupe représente « la rue intérieure » menant aux appartements, c’est ici que l’on accède aux portes d’entrée (Sbriglio, 1993).

L’articulation de la cuisine avec la rue intérieure a été pensée pour faciliter le quotidien des habitants. En effet, cela va non seulement les soulager dans le transport de leurs courses, mais va également arranger l’accès au conteur en cas de problème d’eau ou d’électricité. Plusieurs modèles ont servi d’inspiration à ces cuisines: de type américaines et ergonomiques, ces dernières permettent d’occuper de manière stratégique la surface de 4,80m2 qui leur est dédié (Monnier, 2002, p.58).

Par la suite, un escalier à simple volée va desservir les parties nuits, en haut pour l’appartement du haut sur le plan, et en bas pour le second. Ces parties nuits sont composées d’une chambre parentale chacune, de quatre chambres d’enfants au total, avec à chaque fois une salle de bain et une salle d’eau. L’appartement du bas a enfin accès à sa loggia qui se trouve à l’extrémité droite. Les loggias permettent de préserver l’intimité des résidents tout en leur offrant un accès à l’extérieur.

D’un point de vue global, on retrouve certaine une logique dans l’ouverture des appartements : ceux-ci sont traversants et bénéficient d’une double orientation est/ouest, soit d’une vue sur la mer, et d’une autre sur la montagne (Monnier, 2002, p.53).

« L’unité de Marseille commence au feu, au foyer de chaque famille […] Tout le reste, n’est que conséquences. » Le Corbusier, 1950.

L’unité d’habitation: une utopie sociale.

Inscrite au patrimoine mondial de l’Unesco avec seize autres créations de Le Corbusier en 2016, ce projet associant les couleurs de Mondrian au courant brutaliste apparait comme une œuvre clé dans l’histoire de l’architecture française du XXe siècle. Nous tenterons à présent de montrer en quoi ces cellules d’habitation témoignent d’un travail novateur en matière d’organisation de l’espace et de prise en compte de l’humain dans l’habitat social.

La coupe choisie pour cette étude est importante et originale puisqu’elle se présente sous la forme d’une cellule d’habitation. Ce n’est pas une particularité du dessin sinon la véritable présentation du produit : « Chaque appartement assimilé à une cellule est monté en usine puis inséré sur place, dans la carcasse de béton. Ces cellules superposées pensées avant tout comme les contenants d’une famille, s’imbriquent les unes dans les autres sur sept étages et sont desservies par de larges rues » (La Cité Radieuse, 2015). Cette méthode de construction est tout à fait surprenante car imprégnée de modernité. En effet, Le Corbusier disait lui-même y déposer les cellules d’appartement comme on insèrerait une bouteille dans un casier dédié à cet effet. L’emploi du mot cellule pour désigner le foyer « renvoie à deux univers qui ont fortement influencé Le Corbusier : la biologie et l’architecture sacrée » (La Cité Radieuse, 2015).

Vue de la façade extérieure.

Le projet de l’unité d’habitation vient résoudre un véritable problème social puisque Le Corbusier témoigne à travers ce dernier d’une réelle réflexion sur l’organisation de l’espace dans le cadre du logement social. L’architecte y associe à la fois le confort personnel, le bien-être familial, et l’efficacité de production et de construction. Cette structure fonctionnelle permet d’accueillir des familles plus ou moins nombreuses. En effet, comme nous l’avons évoqué précédemment, il existe dans cette unité 23 types d’appartements, témoignant d’une réelle prise en compte de la part de l’architecte de la pluralité des familles françaises, ainsi que du confort et de l’espace dont elles doivent bénéficier. Le projet d’habitation est vu par celui-ci comme une véritable « utopie sociale ». Le Corbusier cherche ici à maximiser le confort des habitants en jouant sur leur façon de vivre. Ainsi, des cuisines ouvertes, absolument révolutionnaires pour l’époque, seront par exemple mises en place afin de permettre aux femmes de cuisiner en profitant de la pièce de vie et de ce qu’il s’y passe. Et même si les appartements ne sont parfois pas immenses, l’agencement est fait de sorte à ce que la partie des enfants n’empiète pas sur celle des parents. Chacun possède donc son autonomie et son intimité.

De plus, il ne s’agit pas d’une usine à appartements comme on pourrait le reprocher aux logements sociaux actuels. D’un point de vue extérieur, on remarque en effet une véritable prise en compte de l’apparence de la façade. Le Corbusier y produit un véritable travail esthétique à travers l’alternance des couleurs et des brises-soleil, permettant de créer des jeux de lumière visibles de l’appartement lors des rotations du soleil en journée. Certaines loggias de couleurs vives viennent alors « ponctuer la monotonie du béton gris » (Tartines de Culture, 2018). Par ailleurs, les appartements sont eux-mêmes parés de couleurs vives, notamment au niveau des niches et des portes d’entrée, permettant ainsi de donner une impression de vie et de profondeur à l’espace intérieur (La Cité Radieuse, 2015).

Vue d’un appartement depuis la loggia.
Source: https://www.citedelarchitecture.fr/sites/default/files/documents/2017-09/fo_citeradieuse_def_0.pdf

Enfin, pour concevoir la Cité Radieuse, Le Corbusier a inventé un système de mesure fondé sur la morphologie humaine d’un homme de 1m83. Le nom de cette unité est un mot-valise intitulé « le Modulor » : il combine les termes « module » et « nombre d’or » (utilisé par les artistes pour créer des proportions parfaites). Ainsi, « la hauteur des appartements correspond au Modulor bras levé, tandis que la largeur des pièces fait deux fois 1,83. Tous les aménagements (hauteur des chaises, des tables, plans de travail) sont également conçus en fonction du Modulor » (Tartines de Culture, 2018). Cette prise en compte de l’humain au sein de son environnement permet alors de lui offrir un confort assuré, dans un espace de vie adapté et sain.

Conclusion:

Finalement, Le Corbusier s’est senti investi d’une véritable mission en plus de celle qui lui a été assignée : réaliser un logement social, en offrant le confort aux familles dans un habitat fonctionnel et dans une structure aménagée et vivante. L’architecte a su offrir avec brio des logements pratiques et agréables en associant besoins humains et modernité, et a pour cette raison fait de la Cité Radieuse une des œuvres les plus marquantes du XXe siècle.

Sources monographiques:

CURTIS, William J.R, Le Corbusier, une encyclopédie, Éditions du Centre Georges Pompidou, 1987, Paris, (p.246-247).

BANHAM, Reyner, Le brutalisme en architecture, « Le Corbusier : Unité d’habitation Marseille/France, 1948-54 », Éditions Dunod, 1970, Paris, (p.16).

MONNIER, Gérard, Le Corbusier – Les unités d’habitation en France, chapitre II : « L’Unité d’habitation de Marseille », Éditions Belin Herscher, 2002, Paris, (p.45-89).

SBRIGLIO, Jacques, Guide d’architecture MARSEILLE 1945-1993, « L’Unité d’habitation de Marseille », Éditions Parenthèses, 1993, Marseille.

Sites internets:

Le patrimoine mondial de l’UNESCO, « L’œuvre architecturale de Le Corbusier, une contribution exceptionnelle au Mouvement Moderne », 2016. En ligne <https://whc.unesco.org/fr/list/1321>. Consulté le 25 février 2022.

Cité de l’architecture et du patrimoine, « La structure du bâtiment », La Cité radieuse. Éditions Éduthèque. En ligne <https://www.citedelarchitecture.fr/sites/default/files/documents/2017-09/fo_citeradieuse_def_0.pdf>. Consulté le 12 avril 2022.

Tartines de Culture, Quatre choses à savoir sur la Cité Radieuse du Corbusier, 31 août 2018. En ligne <http://blog.messortiesculture.com/article/quatre-choses-a-savoir-sur-la-cite-radieuse-du-corbusier-814>. Consulté le 12 avril 2022.

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