1927: La maison Citrohan, Le Corbusier

Citroën, c’étaient les voitures en série, la fabrication par excellence, la multiplication rapide et le travail à la chaine.

Et puisque l’on fabrique d’innombrables objets du quotidien en série, pourquoi est-ce que l’on ne fabriquerait pas « l’habitat en série ». C’est en partant de ce principe du travail à la chaîne, que Le Corbusier a dessiné et pensé le premier prototype de la « maison Citrohan »

Inspiré des vitrines d’un café parisien situé dans la rue Babylone, les studios d’artistes parisiens et les vernaculaires grecs (cube blanc), Le Corbusier a pensé à une maison modulable comme une boîte, ouverte sur un seul côté donnant sur de grandes baies vitrées, une mezzanine pour un gain de place et des points porteurs simplifiés, la rendant en théorie plaçable dans n’importe quelle région et sur n’importe quel sol. 

Le jeu de mots entre la célèbre marque de voiture et l’histoire de la maison Citrohan, se retrouve dans la comparaison que fait Le Corbusier entre l’habitat et une machine mobile, à savoir optimiser, rendre accessible et jouer avec les volumes de l’espace intérieur liés à la fonction définie. 

Le travail de Le Corbusier prend dès lors, une route vers l’optimisation de l’espace et des moyens.
Parlant de cette maison, Citrohan comme « une machine à habiter », il lance cette formule pour la première fois en 1921 dans la revue « l’esprit nouveau », créant un scandale sur fond de révolution. Dans un environnement où les traditions ont la vie dure, focalisées sur la famille, le foyer, les racines, l’immobilité, lui part à l’encontre de ces maisons traditionnelles et de leurs principes en créant son parfait opposé, en créant la mobilité dans l’habitat.

Avec la maison Citrohan de Le Corbusier, on part vers le nomadisme évolutif, puisque ce modèle, à l’instar d’une voiture Citroën va se reprendre. 

Du dessin au plâtre jusqu’à sa construction, son plan en coupe, sur papier et réalisé au crayon ci-joint, cette maison représente bien l’espace déterminant de son concept. De par sa forme rectangulaire, ses fenêtres visibles sur le plan, on voit la réflexion qui a été faite au millimètre près. La largeur des pièces, l’épaisseur des murs, des couloirs et des chambres, en passant par les points de rangement incrustés dans les coins sélectionnés (comme dans l’entrée ou à côté des escaliers du rez-de-chaussée) jusqu’à la terrasse. Ses annotations et ses mesures nous montrent que l’on n’est pas non plus dans « une boîte à chaussures » et qu’il reste de la place pour les éléments liés aux « loisirs » visibles avec le piano à queue dans le living room, par exemple. 

Le dessin de ce plan en coupe, nous montre la finesse et l’épuration du lieu, lisse, clair, chaque murs été étudié avec soin, pour les pièces également. Les objets, selon leurs fonctions (table, chaise, sanitaire) sont exprimés sur le plan, nous permettant de visualiser l’espace, par exemple sur le plan du milieu, à savoir le rez de chaussée. Les portes nous montres le sens de circulation de la maison, on peut y voir aussi les sols, les différences qui nous permettent en un coup d’oeil de savoir ou on se situe et sans forcément avoir à lire les annotations. Ainsi, il nous est plus facile de savoir on se situe dans la maison. Ces plans de coupe sont très complets, on visualise l’espace, le lieu, les flèches pour savoir dans quel sens les escaliers fonctionnent, voir ou on se dirige (escaliers pour monter à l’étage par exemple). En plus des mesures et de la clarté du plan, les noms des pièces sont écrites, du moins pour le  rez de chaussée. La logique spatiale de ce projet est clairement exprimé dans ce plan. Il n’y a pas d’éléments superflus, l’espace extérieur et ce qui l’entoure n’est pas dessiné, à par quelques points pouvant s’apparenter à des graviers. Ainsi, nous savons en un coup d’oeil ou on se situe, et cela rentre en adéquation avec le fait que cette maison puisse s’implanter n’importe ou. 

Par contre , il n’y a pas toute les mesures. Par exemple si on voulait se référer à ce plan pour nous même la construire on aurait du mal à la reproduire dans les moindres détails. 

En effet nous avons les mesures extérieures de la boite (longueur et largeur) , mais il en manque. L’épaisseurs des murs porteurs, des parois intérieurs, largeur des couloirs, des portes, des escaliers. Visible aussi avec le manque de nombre de mètres carres de l’entrée, de la salle à manger, chambre, cuisine, sanitaire ne sont pas mentionnés sur le plan pour le rez de chaussée, ni même pour la terrasse. Par contre on retrouve les mesures pour les plans Ab (étages).

Ainsi ce plan, bien qu’il s’inscrive dans l’espace du lieu, demeure incomplet, car on peut peut être l’analyser en pensant que les portes ou les couloirs seraient de mesures standard, ou en se référant aux mesures extérieures de la maison, mais cela serai faire des hypothèses, or en architecture, pour construire on ne peut pas inventer ou imaginer à partir d’un plan certaines mesures. 

Pourtant, c’est en 1922 qu’il expose le premier modèle en plâtre de cette maison mobile, au salon d’automne. On y retrouve les baies vitrées, les escaliers, la même ossature épurée, mais avec pour la première fois des pilotis en prime. En plus d’une standardisation à la chaîne d’une maison, pourquoi pas la faire émerger du sol, rendre l’espace à l’espace, ranger sa voiture sous la maison, faire un jardin sur le toit… Cette maquette, montre là encore, la révolution de l’urbanisme pensé par Le Corbusier. La pureté du béton brut réuni avec la fonctionnalité, rendent au foyer son aspect initial, à savoir, abriter. 

De l’Ile de France en passant par la Côte d’Azur, beaucoup de terrains sont étudiés pour accueillir la première maison Citrohan, avant qu’elle ne s’implante et ne s’ancre finalement à Stuttgart. En effet, le fait qu’elle puisse être fabriquée à la chaîne, laisse une marge d’exploration énorme, en fonction du lieu et du terrain. De plus, quelle que soit l’exposition entre Nord, Sud, Est et Ouest, tout semble possible.

Revenons à Stuttgart. Qui devient ainsi pour l’architecte et son projet, le début de la nouvelle ère de l’espace, là où Le Corbusier dénonce une standardisation des maisons toujours plus grandes, des pièces toujours plus immobiles. Il crée, pense et dessine, un habitat, coutant moins où chaque centimètre carré est réfléchi et possède une fonction propre et utile. Selon lui « Une maison, c’est comme une auto conçue et agencée comme un omnibus et une cabine de navire. Les wagons, les limousines, nous ont prouvé que l’on peut calculer la place au centimètre cube près. » (extrait, maison citrohan, fondationecorbusier.fr). Mais pour cela, il faut que le public l’accepte, accepte de changer son train de vie, de délaisser ses affaires superflues, ses pièces faussement remplies, remplacer les vides par des pleins, par de l’espace qui va générer autre chose, une autre maison, une autre fonction. Le prix de l’immobilier dans les années 30 a flambé, notamment avec la grande crise.

Les mentalités doivent changer, les maisons sont éparpillées, l’espace est gâché en intérieur et en extérieur. L’habitat est une machine, une machine à habiter et Le Corbusier exploite ce concept. Cette innovation, il souhaite la rendre accessible, autant dans le budget que dans sa superficie, il faut oser se déposséder selon lui de l’inutilité de toilettes immenses (par exemple), de murs lisses, de combles pointus, de fenêtres « châssis d’usine ». Une maison est comme une voiture, comme une « machine à écrire », bien huilée, elle devient utile, pratique et de cela, il faut en être fier. 

Près d’une décennie pour créer une maison à la chaîne, jouant sur les mots, le paysage, anticipant et s’adaptant la crise, voyant le paysage changer, la construction s’effondrer, les pièces s’empiler. Près de dix ans pour calculer l’espace minimum, la structure des pilliers, les arrêtes de cette boîte, le nombre d’étages, les pièces utiles, vitales pour finalement voir le jour en 1927. 

« De toute façon qui a besoin de toilettes de quatre mètres carrés ? » (citation extrait maison citrohan, fondationlecorbusier.fr)

 

Extract from Le Corbusier, Oeuvre complète, volume 1, 1910-1929

http://www.fondationlecorbusier.fr

Fondation Le Corbusier

Le Corbusier. La dualidad « architecure mâle » y « architecture femelle »

García González, Andrea

VLC arquitectura. Research Journal, 2016, Vol.3(2), pp.119-147

Five moments in the history of industrialized building

Ågren, Robert ; Wing, Robert D

Construction Management and Economics, 01 February 2014, Vol.32(1-2), pp.7-15

Le Corbusier

Harrod, Tanya Harrod, Tanya (correspondence author)

Crafts, Jun 2002, Issue 176, pp.26-27

One thought on “1927: La maison Citrohan, Le Corbusier

  1. Contandriopoulos, Christina

    Très bon choix de dessin mais je vous encourage approfondir votre analyse du dessin choisi. L’exercice consiste à analyser un dessin architectural plutôt qu’un projet. Quelles sont les qualités graphiques de ces plans? Quelle logique spatiale et constructive est exprimée par le tracé? Il faudrait aussi revoir votre bibliographie pour la formater adéquatement. Les citations doivent aussi être adéquatement référencées. C’est à dire suivies du nom de l’auteur, de la date et du numéro de page en suivant le modèle (Harrod, 2002, p.28).

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