La maison Gene et Nancy Bavinger : perdue dans sa complexité

Figure 1
Bruce Alonzo Goff, Maison Gene et Nancy Bavinger, Oklahoma, États-Unis, 1950, 61 × 88 cm, graphite et crayon de couleurs sur papier. (Source : Art Insititve Chicago, Gene and Nancy Bavinger House: North Elevation Showing Suspension Bridge over Ravine, s.d. En ligne. Consulté le 20 février 2020)

Analyse du dessin

Le projet architectural de la maison Bavinger est né en 1950 par Bruce Groff. Le plan en élévation, révèle que le bâtiment a une forme de spirale niveau croissant. L’architecte a mis l’emphase les matériaux et la nature, car ses clients voulaient vivre dans un espace en harmonie avec celle-ci. Les motifs irréguliers sur les murs extérieurs ne permettent pas de comprendre de quels matériaux il s’agit. Cependant, les couleurs utilisées permettent de comprendre que c’est une maçonnerie cyclopéenne (Jannsen, p. 34). Aussi, malgré qu’il ne soit pas facile de distinguer l’entrée, le pont se trouvant sur le côté de la maison suggère un passage entre l’intérieur et l’extérieur. Il sert aussi de contrepoids pour stabiliser le bâtiment. Le pilier central est une longue flèche en acier qui traverse le centre de la maison et qui est assujettie à de longs haubans. Dans le dessin, il y a aussi quatre fenêtres de verres.

En ce qui concerne l’arrière-plan, le crayon de bois a été appliqué de façon très délicate, ce qui donne une transparence aux arbres et aux arbustes. Cela créer un contraste avec la maison, qui est plutôt opaque, ce qui lui permet de ressortir du paysage. Malgré ce contraste, le dessin permet tout de même de comprendre comment l’architecte a prévu de créer une harmonie entre la nature et le bâtiment. Normalement, dans les plans d’architectures, les arbres et le feuillage devraient correspondre au lieu géographique du bâtiment « et au mode de représentation du plan » (Jennsen, p. 66). Cependant, les couleurs se trouvant sur la maison se retrouvent aussi dans l’arrière-plan, comme le bleu, qui ne se trouve normalement pas dans les arbres de l’Oklahoma. Le rejet de la couleur locale créée donc un lien entre la maison et la nature. Aussi, l’essence même des médiums avec lesquelles Groff a construit le plan peut souligner un désir de créer une harmonie entre son projet et le paysage avoisinant.

Interprétation et contexte de production

Ce bâtiment a été conçu à la fin de l’art moderne et au début de l’art contemporain. Il fait le pont entre les arabesques décoratives de l’art nouveau dans les branches ainsi que l’utilisation de matériaux hétéroclites de l’art contemporain sur les murs externes. Aussi, la question de l’éphémère en art contemporain a commencé avec le dadaïsme et l’art performance. Le contact avec les spectateurs devient de plus en plus important pour les artistes. Ayant été ouverte au public dès sa construction, la maison rappelle ce mouvement avec sa vocation éphémère. De plus, elle serait le reflet du travail de l’artiste Eugene Bavinger, client de Groff. Elle devait corresponde à son processus de création, et non au produit final (Cook, p.46).

Dans ses plus jeunes années, le travail de Groff était plus géométrique, comme Page Warehouse, Convention Hall Remodelling et The Triaero House, qui se rapprochent du style Prairie School de Frank Lloyd Wright, une grande influence pour l’architecte (Cook, p.3). Lorsqu’il entra à l’Université d’Oklahoma en janvier 1947, son travail a changé graduellement. Dans son cabinet, il a réalisé de nombreux dessins d’architectures, comme Ledbetter House (1947), qui a été son premier bâtiment. Celui-ci démontre déjà une différence avec ses anciennes créations puisqu’il est un collage architectural structurel et spatial dans le choix des matériaux comme de la pierre d’Henryetta où dans la façon irrégulière dont il a perforé les murs. L’année avant la création la maison Bavinger , il a réalisé la Crystal Chapel (1949), qui est très régulière et géométrique dans ses formes. Le bâtiment étudié se diffère de ses créations antérieures par son ensemble anormalement structuré et texturé en spiral. Aussi, pour l’architecte, c’est son premier projet majeur de maison à portes ouvertes comme « a continuing study in contemporary architecture » (Cook, p. 46). Le thème principal de la maison n’est pas un thème récurrent de ses travaux antérieurs, soit la continuité spatiale et temporelle.

Maintenant démolie, la maison Bavinger ne peut plus révéler la complexité de sa structure. Les images photographiques et les plans sont les seules informations physiques du bâtiment, sans pourtant pouvoir étaler la totalité de son espace intérieur. Après l’arrivée de la photographie dans au 19e siècle, les bâtiments physiques sont devenus comme une série d’images. La photographie devient une façon de complémenter ce que l’œil ne peut voir sur les lieux en ayant une vue d’ensemble. Dans le cas de la maison Bavinger, la photographie n’aide en aucune façon à comprendre la structure. En effet, il semble difficile de documenter la totalité du bâtiment, à cause de la complexité des espaces intérieurs que l’objectif photographique ne peut capter. Pour ce qui est de l’extérieur, le site sur lequel la maison est bâtie est un boisé dense, ce qui rend difficile la compréhension de l’ensemble de la structure externe. Bref, avant sa démolition, la présence physique des spectateurs était ce qui permettait de mieux démêler les mystères du bâtiment. C’est pourquoi la maison Bavinger est, d’une certaine façon, perdue.

Afin de comprendre le mieux possible les niveaux du bâtiment et ses intérieurs, les deux plans de sol (fig. 2 et 3) aident à découvrir les limites et les différents espaces de la maison, soit le rez-de-chaussée et les autres pièces se trouvant dans les gradins. En effet, les pièces sans murs séparateurs sont disposées en gradins sur des plates-formes au moyen d’un escalier en colimaçon.

Figure 2
Source : Hidden Architecture, Bavinger House, 17 avril 2018. En ligne. Consulté le 20 février 2020.
Figure 3
Source : Hidden Architecture, Bavinger House, 17 avril 2018. En ligne. Consulté le 20 février 2020.

Il est intéressant de voir le plan de sol du toit (fig. 4), car le bâtiment a une forme qui ressemble à un coquillage. Aussi, bien que la maison semble être très organique, ce plan montre plutôt le contraire avec la référence à la spiral d’or ou la spiral de Fibonacci. En effet, malgré la ligne courbe, cette image est une équation mathématique parfaite.


Figure 4
Source : Hidden Architecture, Bavinger House, 17 avril 2018. En ligne. Consulté le 20 février 2020.

BIBLIOGRAPHIE

COOK, J. (1978). The architecture of Bruce Goff (Icon editions). New York: Harper & Row. 135 p.

DE LONG, D., Saliga, Pauline A, Woolever, Mary, & Art Institute of Chicago. (1995). The architecture of Bruce Goff 1904-1982 : Design for the continuous present. Munich: Prestel. 119 p.

JANNSEN, Nicolai. (1985). Bauzeichnung und architekturmodell. = Constructional drawings and architectural models. = Dessin et mole d’architecture (4., vollig uberarbeitete und erw. aufl.. ed.). Stuttgart: K. Kramer Verlag.

SAYER, Jason, « Bruce Goff’s spiralling Bavinger House in Oklahoma demolished», dans The Architect’s Newspaper, 12 mai 2016. En ligne < https://archpaper.com/2016/05/bavinger-house-demolition/ >. Consulté le 28 février 2020.

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