HollyHock House : Le Mont Fuji de Los Angeles

L’étonnante construction de Frank Lloyd Wright à la demande de Mme Barnsdall sur la colline Olive Hill à Los Angeles.

Plan du premier étage, Hollyhock House, Frank Lloyd Wright, Révisé aout et septembre 1920, dessin d’architecture, impression à encre bleu, 36×42 pouces.

Source HollyHock House Archive, Département de la culture des affaires de la ville de Los Angeles.

L’habitation étudiée est Hollyhock House située sur les terres d’Olive Hill en Californie aux États-Unis par Frank Lloyd Wright pour Aline Barnsdall. Le projet de cette maison était une partie d’un complexe accueillant un théâtre à aire ouverte, des habitations secondaires ainsi qu’un établissement d’apprentissage pour enfants. Le plan présenté ci-dessus est un dessin architectural original de 1920 montrant le premier étage. Le dessin est de 36 x 42 pouces et est imprimé à l’encre bleue. Le document difficilement lisible par les bavures d’encre fut reproduit à plusieurs reprises. Sur le dessin, les dimensions, les murs de soutiens, les portes ainsi que tous les éléments propres à la construction d’une habitation sont présents. La particularité de Frank Lloyd Wright est qu’il ne lésinait pas sur les détails puisqu’il était entièrement maître de ses architectures et incluait aussi les intérieurs à celles-ci. Les meubles, les décorations ainsi que les matériaux étaient choisis par Wright. Sur le dessin, les éléments organiques y sont aussi présentés. Des termes comme : Flower bed, shrubs, tree qui indiquent l’emplacement d’éléments naturels dans le décor. Cet aspect d’ajout organique était très important pour Aline Barnsdall qui était une femme très tournée vers l’environnement et les causes sociales. HollyHock House avait d’ailleurs été nommée après la fleur favorite de la commanditaire.

Annotation des éléments naturels sur le plan original de 1920.

Inspiration Maya dans l’architecture de HollyHock House.

Frank Lloyd Wright était un architecte qui travaillait l’architecture organique et où tout était réfléchi par sa fonction. Le foyer était notamment au cœur de ses constructions d’habitations et était selon lui l’endroit le plus important d’une maison familiale. Pour la construction d’Hollyhock House, l’ajout d’un foyer à l’intérieur de la résidence est présent, mais le cœur de la construction repose sur le demi-cercle qui forme le noyau du théâtre d’Olive Hill. Aline Barnsdall était une jeune femme loin de l’ordinaire pour qui le théâtre passait avant toute chose. La construction du théâtre à aire ouverte passait avant la construction de Hollyhock House dans la conception du grand projet qui était prévu à Olive Hill. Frank Lloyd Wright avait bien compris cet immense intérêt de la jeune femme pour le théâtre et avait donc décidé de lier le cœur de tout au centre d’intérêt le plus cher aux yeux de sa cliente (Friedman p.50). À l’époque de la construction d’HollyHock House, Frank Lloyd Wright avait déjà beaucoup voyagé et la pluralité dans le choix de l’esthétique et des matériaux choisis par l’architecte reflétaient les influences de ces voyages. Les symboliques et les décors du Japon, de la culture maya ainsi que les Pueblos mexicaines furent des inspirations pour la construction de l’habitation. Dans un ouvrage publié sur Hollyhock House par Kathryn Smith, on peut lire ‘’ The profile of the Barnsdall House is massive, with a weight and monumentality that evokes a deeper connection to the solidity of the earth than the earlier Prairies. Many Years later, Wright explained the relationship between his philosophy of organic architecture and the buildings of the Toltec, Aztec, Mayan and Inca’’(Smith p.41).

Reflet du mont Fuji dans le lac Kawaguchi vu depuis le col Misaka dans la province de Kai, Hokusai, Estampe, 1830

L’emplacement de la résidence d’Aline Barnsdall fut d’ailleurs fait en fonction d’un rappel à l’œuvre du mont Fuji par Hokusai. Frank Lloyd Wright était un maître dans l’art de l’intimité des habitations familiales. Déjà avec ses maisons de banlieue, il réussissait à donner cette intimité qu’une famille recherche. Avec la maison d’Aline Barnsdall, ce ne fut pas différent. Sur le dessin original présenté plus haut, l’avant et l’arrière de la maison sont difficilement reconnaissables et les indications de rues ne sont inscrites nulle part. L’accès à la résidence n’est pas facilement fait puisqu’elle se trouve au milieu du terrain et est accessible par des entrées dissimulées avec brio comme l’architecte avait déjà l’habitude de faire dans ses autres constructions « Approaching the house via carefully planned access roads that encircle the hill. the visitor arrives at a stark. sun-baked motor court surrounded on three sides by low buildings that served as the garage, rows of pens for pets, and the service entrance to the house (fig. 6). The house itself is entered via a tunnel-like breezeway – low and dark – that projects into the forecourt but, typical of Wright, is otherwise virtually indistinguishable as an entrance.»(Friedman p.43-44).

Aline Barnsdall et sa fille

Comme mentionné, Aline Barnsdall était une jeune femme très proche du théâtre. Jeune héritière millionnaire, elle avait aussi à cœur l’environnement, les causes sociales et était une fervente féministe. Tout comme Frank Lloyd Wright, elle était une personne aux idées fortes et leur similitude de caractère finit par malheureusement mener à l’échec du projet d’Hollyhock House ainsi qu’au projet d’Olive Hill. Wright qui avait une réputation à protéger mit le blâme entier sur Barnsdall par des accusations misogynes et  injustes. Aline Barnsdall était décrite comme une femme riche, impulsive au tempérament extrême (Friedman p.38), ce qu’elle ne niait pas. Toutefois, malgré la richesse qui l’entourait, elle s’intéressait à la culture, à la politique, au féminisme et menait une vie de femme active auprès des causes qui lui tenaient à cœur. Elle s’alliait de plus aux gens de mêmes intérêts dont Frank Lloyd Wright. Barnsdall avait tendance à se laisser influencer par plusieurs personnes à la fois, et ce même à travers la construction à Olive Hill. Ce trait de personnalité de la jeune femme était un obstacle au bon déroulement de plusieurs aspects de sa vie puisqu’elle n’arrivait pas à se fier à un seul de ses nombreux alliés ou bien de se forger une propre opinion (Friedman p.41). Cet aspect de la personnalité de la jeune femme n’était pas spécialement apprécié par Frank Lloyd Wright qui avait un nom déjà établi et qui ne tenait pas à ce que d’autres viennent empiéter sur son territoire.

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Imperial Hotel (1920), Tokyo, Japon par Frank Lloyd Wright

C’est en 1916 que pour la première fois Wright et Barnsdall échangèrent à propos du projet de la jeune femme. Elle encourageait Wright à faire les plans le plus rapidement possible. Toutefois, à l’époque de ces échanges, aucun terrain n’avait été acheté et l’emplacement n’avait pas encore été déterminé. Aline Barnsdall en même temps de solliciter Wright pour la construction de son théâtre et du domaine l’entourant entreprenait beaucoup de projets dans le domaine du théâtre. C’est seulement en 1919 que Barnsdall achète les terres d’Olive Hill suite à une grossesse inattendue qui la force à mettre de l’avant la construction d’une résidence pour accueillir la venue de sa petite fille. À ce même moment, Frank Lloyd Wright est au Japon et travaille sur l’Imperial Hotel à Tokyo. Aline Barnsdall était prête à ce moment à continuer la construction d’Hollyhock House et était impatiente de reprendre la construction de ce qu’elle avait entamé avec Wright en 1916. Les premiers plans officiels de la résidence furent complétés en janvier 1920 (Friedman p.43). 

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Portrait de Frank Lloyd Wright

Cependant, comme mentionné ci-dessus, au moment où Barnsdall était finalement prête à concrétiser son projet, Wright avait la tête complètement ailleurs et son intérêt était porté sur ses constructions au Japon. N’étant pas au pays, il mit donc son fils ainsi que Rodolphe Schindler en charge du projet d’Aline Barnsdall à partir de 1920. Frank Lloyd Wright était donc en premier lieu l’architecte original du projet d’Olive Hill et du fait même d’Hollyhock House puisqu’il avait accepté de collaborer avec Barnsdall. Ce sont toutefois ses assistants qui ont pris en charge énormément d’éléments importants de la construction. Tout cela en s’inspirant des anciennes productions architecturales de Wright. Le design complet d’Hollyhock House n’était donc pas attribuable uniquement à Wright puisqu’il avait certes été présent dans les débuts, mais qu’il avait ensuite délégué le projet à d’autres. Il avait en quelque sorte abandonné ses engagements auprès de Barnsdall puisqu’il était pris ailleurs.

Puisque Barnsdall mettait la construction d’Hollyhock House de l’avant, beaucoup de ses associés l’abandonnèrent puisque le théâtre à aire ouverte prévu sur les terres d’Olive Hill étant de base le pilier du projet était leur intérêt premier. Certains n’étaient de plus pas d’accord avec les dessins proposés par Wright qui se basaient sur un style hellénistique ancien. Ils disaient que l’architecture appartenait au futur et qu’il fallait faire table rase avec le passé et les styles européens : qu’il n’avait rien à offrir et que les européens devaient apprendre des styles américains (Friedman p.54). Puisque les associés d’Aline Barnsdall quittaient l’entreprise, elle ne voyait plus l’intérêt de continuer le projet à Olive Hill et du fait même d’habiter la propriété d’Hollyhock House. Elle proposa donc à Wright de lui concevoir une nouvelle habitation à Beverly Hills et proposa à la ville de Los Angeles d’acquérir une partie du site d’Olive Hill incluant Hollyhock House en don de sa part afin d’en faire un centre communautaire et une bibliothèque qui fut finalement acceptée en 1927 (Friedman p.58). La même année à l’inauguration de la ville, Aline Barnsdall fit mention de ses intentions en disant du don qu’elle avait fait qu’il était à l’intention de tous afin de donner un espace aux esprits créatifs et à l’art à la rencontre d’une beauté et du bonheur de tous. 

L’inachèvement du projet d’Olive Hillainsi que d’Hollyhock House fut critiqué par Wright qui dit d’Aline Barnsdall qu’elle était incapable de se concentrer sur une chose à la fois et pour un certain temps en raison de son sexe et de son choix politique gauchiste. Il ne remettait jamais en doute son inactivité, son dogmatisme et son absence en doute, mais bien le féminisme, les penchants politiques et le genre d’Aline Barnsdall en cause. Plusieurs fois à travers les écrits de Wright, des commentaires misogynes « Now, the penalty (one of the many, probably) for being feminine, with extremely small hands and feet, rich, alone and mundane, is to have an entourage of dear ‘friends. .Collectively this insurance-brigade knew about as much about this building, Hollyhock House, as Sodom knew of Sanctity,»?» (Friedman p.59) démontrent qu’il était prêt à tout pour protéger son intégrité face à cet in aboutissement du projet entamé au début de la décennie. Tout cela en étant bien informé des raisons véritables pour lesquelles Barnsdall abandonnait le projet, puisqu’il était l’un des principaux alliés de la jeune femme dans le projet. Quant à elle, Aline Barnsdall se défendait devant Wright en mettant de l’avant des idéologies féministes se plaçant sur un même niveau que Wright disant que les deux étaient trop pareil pour travailler ensemble et que les femmes d’aujourd’hui n’étaient pas une faiblesse, mais avait une place dans la société.

« We are both too much of the same mold – egotistical, dictatorial and creative…….In one thing you are gravely mistaken and you will never know me if you don’t get this right [and] also realige there is a new kind of woman in the world today. Haven’t you read your Bernard Shaw? You write « And there is a third woman. A wistful, lonely one, none too sure of anyone, or anything about her – she having ventured too far into the ‘unchartered’ than fortified by her knowledge of life or circumstances, driven sometimes to cover her fear bi defiance and to huttress her woman weakness with a will. fulness beyond parallel! » You will never know me if you dant come to realize that I have never known fear in that or anv other moral sense. that I am onlv at home and inter. ested on unchartered seas. My willfulness I was born with. I hav’nt [sic] that old fashioned thing called « womans weak- nos » and I douht if any woman ever really had it Rather they projected it to flatter the ego of men.» (Friedman p.59). – Aline Barnsdall 4 février 1926 

Leurs querelles autour d’Olive Hill et d’Hollyhock House continuèrent pendant des années, et ce jusqu’à la mort de Barnsdall en 1946 (Friedman p.59). Toutefois, dans leurs échanges privés, Wright se montrait plus empathique pour Aline Barnsdall que devant le public auquel il n’osa jamais avouer que Barnsdall était une femme forte et d’ambition. Comme quoi l’échec d’une construction ne tourne pas toujours autour des aspects matériels ou financiers de celle-ci, mais peut tout aussi bien dépendre de l’entente entre l’architecte et le commanditaire. Les commentaires de Wright à l’égard d’Aline Barnsdall mettent à jour un homme qui malgré son immense talent et ses révolutions architecturales ne comprenait peut-être pas que le reste du monde vivait aussi des révolutions, dont celui de la place de la femme dans la société.

Le sort d’Hollyhock House depuis son acquisition par la ville de Los Angeles est devenu un parc artistique. Il est reconnu notamment pour son architecture par Frank Lloyd Wright et présente la vie d’Aline Barsndall. Encore à ce jour, le parc est un centre touristique qui met de l’avant la culture américaine comme l’avait voulu Aline Barnsdall en premier lieu.

Tournée virtuelle d’Hollyhock House

https://hollyhockhousevirtual.org/tour?start=exterior_C

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Bibliographie

BROOKS PFEIFFER, Bruce, Frank Lloyd Wright collected writtings volume 1 1894-1930, Rizzoli, New York, 1992, 352 p.

DREXLER, Arthur, The drawings of Frank Lloyd Wright, Frank Lloyd Wright Foundation, 1962, 320 p.

HOFFMANN, Donald, Frank Lloyd Wright’s HollyHock House, Dover Publications INC, New York, 1992, 118 p.

FRIEDMAN, Alice T, Woman and the making of the modern house, New York, Harry N Abarhams Inc, 1998, np.

L.PATTERSON,Terry, Frank Lloys Wright and the meaning of materials, International Thomson Publishing, New York, 1994, 260 p.

SMITH, Kathryn, HollyHock house and Olive Hill, Rizzoli New York, 1992, 224 p.

TAFEL, Edgar, Years with Frank Lloyd Wright Apprentice to Genius, Dover Publications, New York, 1979, 228 p.

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Sites internets

Barnsdall Art park foundation, 2021

https://www.barnsdall.org/hollyhock-house

Hollyhock House Archive

https://hollyhockhouse.omeka.net

Image Mont Fuji

https://commons.wikimedia.org/wiki/File:冨嶽三十六景甲州三坂水面-Reflection_in_Lake_at_Misaka_in_Kai_Province(KōshūMisaka_suimen),_from_the_series_Thirty-six_Views_of_Mount_Fuji(Fugaku_sanjūrokkei_MET_DP141064.jpg

Image Aline Barnsdall

https://tessa.lapl.org/cdm/ref/collection/photos/id/97174

Image de Frank Lloyd Wright

https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Frank_Lloyd_Wright_portrait.jpg?uselang=fr

Image de l’Imperial Hotel

https://fr.wikipedia.org/wiki/Hôtel_impérial#/media/Fichier:Imperial_Hotel_Wright_House_cropped.jpg

One thought on “HollyHock House : Le Mont Fuji de Los Angeles

  1. de Liamchin Paulina

    Le texte de Catherine Fortier est très intéressant et introduit le Hollyhock House de Frank Lloyd Wright clairement et d’une manière captivante. C’est un bâtiment avec plusieurs facettes culturelles, naturelles et sociales. J’ai apprécié les annotations écrites sur les plans techniques pour indiquer le placements des arbres, fleurs, arbustes ainsi que la division des espaces à l’intérieur de la maison. Il est très intéressant de connaître les sujets d’inspiration de Wright lors de la conception de la maison. D’ailleurs, c’est un aspect de l’histoire du bâtiment qui pourrait être approfondi davantage lors de la continuation du projet. Wright s’est inspiré du Mexique précolombien pour ce projet, ce qui peut être observé par l’apparence d’un temple ancien à l’extérieur de la maison. Certains détails présentent une similitude avec l’architecture des temples de Palenque, une Cité-État appartenant au peuple des Maya au Sud du Mexique au septième siècle. Additionnellement, il y a une influence japonaise dans la conception de Hollyhock House puisque Wright travaillait parallèlement sur l’hôtel impérial japonais. Il a incorporé de nombreux détails japonais dans la conception de la Hollyhock House, notamment un groupe d’authentiques paravents japonais ainsi qu’une sculpture bouddhiste au bout d’un long couloir garni de verre artisanal.
    Je recommande l’article que Kathryn Smith a écrit en 1979, « Frank Lloyd Wright, Hollyhock House, and Olive Hill, 1914-1924 » dans le Journal de la société des historiens de l’architecture (traduis de l’anglais : Journal of the Society of Architectural Historians). Ce journal est la principale revue d’histoire de l’architecture publiée en langue anglaise et leurs articles scientifiques publiés portent sur toutes les périodes de l’histoire de l’environnement bâti. Voici le lien : https://www.jstor.org/stable/989346. Pour la deuxième source, j’ai trouvé un article publié en 2019 venant d’un site d’architecture qui analyse les plans d’architecture reconnus et leurs inspirations. Voici le lien : https://archeyes.com/hollyhock-house-frank-lloyd-wright/ .

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