Vers la fin du 19e siècle, c’est à Chicago que les premiers gratte-ciels sont bâtis, principalement de la firme d’architectes Adler & Sullivan. Ainsi, c’est l’architecte Louis Sullivan qui perfectionne le style de ces nouveaux bâtiments. De son entreprise, l’apprenti Frank Lloyd Wright apprend vite le métier pour finalement se concentrer indépendamment à son intérêt de la maison domestique. En effet, son premier contrat est obtenu pour le projet de William H. Winslow à River Forest en Illinois en 1893 (Pfeiffer, p. 40). La perspective de la maison produite par Marion Mahony Griffin (Figure 1) est publiée par Ernest Wasmuth en 1910 dans l’important portfolio Ausgeführte Bauten und Entwurfe. Encore proche de l’esthétique de Sullivan, on peut tout de même y voir la naissance de la Prairie House et l’influence du Arts and Crafts.
La perspective de Mahony Griffin publiée par lithographie est sans couleur, alors qu’elle est produite d’encre sur papier. Elle montre la façade de la résidence Winslow qui, par sa symétrie où la porte d’entrée et la cheminée sont au centre, semble stable et imposante. Le bâtiment est construit horizontalement en trois bandes. La partie inférieure qui semble blanche, est en réalité construite de briques dorées pour les murs et en contraste, de la brique blanche entoure les fenêtres et la porte d’entrée. (Pfeiffer, p. 41) (figure 2). Au-dessus, une frise menue d’ornements, réellement produite de terre cuite, rappelle aussi les motifs autour de la porte principale qui est bien mise en évidence par un décrochage. Ces ornements ainsi que les urnes devant l’entrée sont montrés dans un détail de l’entrée que l’on retrouve dans le même portfolio (figure 3). Finalement, au-dessus se trouve le large toit. Sur la façade, il y a quatre fenêtres au premier étage et trois fenêtres au deuxième étage alors qu’on perçoit également deux fenêtres sur chaque étage sur le côté. Tout autour de la maison, la nature est bien mise en évidence alors qu’on peut observer des plantes et des fleurs sur le chemin vers la porte, ainsi que dans l’avant-plan où elles cadrent même le dessin. À l’arrière-plan, à travers les arbres, le garage est percevable.
La perspective de la maison Winslow contient des éléments esthétiques rappelant le travail de Sullivan. En effet, ce dernier a perfectionné le style du gratte-ciel notamment en construisant ses bâtiments en tripartie : base, milieu et tête (Curtis, p. 116). Cette façon de faire qui devient un standard est de nature organique alors que l’arbre, par exemple, est également formé de manière tripartite : racine, tronc et branches (Curtis, p. 116). Sullivan et Wright sont les fondateurs d’une tradition organique dans l’architecture américaine, alors que Wright produit de son côté les Prairie Houses (Mumford, p.26). En effet, la maison Winslow étant vu comme un début à ce style dont l’architecte est un des précurseurs (Curtis, p. 117). D’après Allen H. Brooks, ce style prône les matériaux naturels et cherche une connexion avec la nature et l’environnement dans lequel la maison est construite (Brooks, 1984, p. 9). Ainsi, les matériaux environnants du Midwest sont priorisés comme le pin, le chêne et le calcaire pour qu’ils puissent se faufiler dans le décor le mieux possible (Brooks, 1984, p. 9). Dans le même ordre d’idée, les maisons adoptent des formes et des lignes horizontales pour mieux épouser les formes de la prairie (Brooks, 1984, p.10). Également, pour contribuer à l’esthétique organique, les Prairies Houses sont souvent menues d’ornements, de frises et de fleurs régionales (Brooks, 1984, p. 10). Ainsi, Frank Lloyd Wright, en puisant dans les matériaux comme la pierre locale ou dans la maçonnerie « accepte la machine comme un héritage naturel de l’esthétique » (Brooks, 1984, p. 10). Aussi, l’intérêt de Wright est de produire l’idéal américain et rechercher les racines dans le régionalisme, plus précisément dans la culture du Midwest et dans ses matériaux (Curtis, p.113). On reconnait plusieurs caractéristiques de la Prairie House dans la perspective de la maison Winslow notamment l’horizontalité, de la séparation tripartite de la façade à la forme de la brique, ce qui est moins marquant de l’arrière où les formes ne suivent plus le modèle en trois partie (figure 5). Aussi, l’emphase sur les éléments naturels comme les arbres et les fleurs sont en complément avec l’architecture organique de la maison qui possède également une frise. Frank Lloyd Wright est influencé par le style Arts and Crafts populaire au début du siècle qui recherche la simplicité, l’authenticité et la réunion avec la nature, ce qui peut être perçu dans le dessin de Mahony Griffin avec les formes de la maison et son environnement (Curtis, p. 117).
Ensuite, cette perspective a été publiée dans le portfolio nommé Ausgeführte Bauten und Entwurfe publié par Ernst Wasmuth en Allemagne en 1910 (Brooks, 1966, p. 193). La majorité des dessins dans l’ouvrage est attribuée à des assistants dont Marion Mahony Griffin, Birch Burdette Long, William E. Drummond et Harry Robinson (Brooks, 1966, p. 194). La perspective de Winslow a été produite par Marion Mahony Griffin qui a également fait presque la moitié des dessins du portfolio (Brooks, 1966, p. 201-202). La publication de cet ouvrage a été très importante dans son influence sur l’architecture européenne, alors qu’elle a été marquante pour les architectes Ludwig Mies van der Rohe et Walter Gropius (Brooks, 1984, p. 16).
« The dynamic impulse emanating from his work invigorated a whole generation. His influence was strongly felt even when it was not actually visible » (Brooks, 1984, p.17)
– Ludwig Mies van der Rohe
Pour conclure, la maison Winslow, influencée par Sullivan et par le Arts and Crafts, est perçue comme la première Prairie House par son horizontalité, ses matériaux naturels qui se faufilent bien dans son environnement, ses matériaux produits par la machine et son architecture organique qui place la maison en harmonie avec la nature. L’importance de la nature est bien démontrée dans la perspective de Mahony Griffin. L’ensemble du portfolio Wasmuth a influencé une génération d’architectes et continue d’être étudié pour son innovation.
Bibliographie :
BROOK, H. Allen, « Frank Lloyd Wright and the Wasmuth Drawings », The Art Bulletin, Vol. 48, No. 2, 1966, p. 193-202. En ligne. ˂ https://www-jstor-org.proxy.bibliotheques.uqam.ca/stable/3048363?seq=19#metadata_info_tab_contents ˃. Consulté le 29 février 2020.
BROOKS, H. Allen, « Introduction », Frank Lloyd Wright And the Prairie School, New York, George Braziller Inc., 1984, p. 9-29
CURTIS, William J. R, « Le système architectural de Frank Lloyd Wright», L’architecture moderne depuis 1900, Paris, Phaidon, 2004, p. 113-129
MUMFORD, Mark. « Form Follows Nature: The Origins of American Organic Architecture. » Journal of Architectural Education (1984-), vol. 42, no. 3, 1989, p. 26–37. En ligne. ˂ www.jstor.org/stable/1425061 ˃. Consulté le 29 février 2020.
PFEIFFER, Bruce Brooks. « House and Stables for William H. Winslow, River Forest, Illinois, 1893 », Frank Lloyd Wright Monograph 1887-1901, Tokyo, A.D.A. EDITA Tokyo, 1990, p. 40-48
Très bon choix de dessin. Je vous encourage à compléter quelques points d’ici jeudi. Premièrement, il faudrait que la perspective de Mohany Griffin (au lieu de « Mahony ») se retrouve aussi sur la page principale. Ensuite, je vous encourage à recentrer votre recherche sur l’analyse sur dessin même plutot que de faire une description générale du projet. C.