L’architecte William Van Alen, issu du mouvement radicalisme, imagina un gratte-ciel de type Art déco dans la mouvance du modernisme américain en référence au pouvoir de l’automobile.
Samuel H. Gottscho est un photographe d’architecture qui a su mettre en valeur la ville de New York au moment où elle était dans la noirceur et dans la dépression. On dit de lui : « Gottsho focused on the bold interplay of sun and shadow, dramatizing the angular forms of skycrapers and silhouetting signature bridges » (Albrecht, 2005, p.247).
La prise de vue nous transporte dans la nouvelle silhouette des gratte-ciels. Auparavant, les étages étaient superposés mis les uns par-dessus les autres. Dans le cas présent, on peut distinguer une forme qui rappelle celle du gâteau de noce (Cantin, 2018, p. 41). Elle nous permet de voir l’ensemble des différents matériaux, ornementations et structures dessinés par l’architecte William Van Alen. Il a su mélanger les styles, en passant du moderne au gothique, tout en exposant des éléments qui rappellent l’automobile.
En observant cette structure métallique et de maçonnerie, il nous est possible de faire le lien avec la commercialisation et l’industrialisation. Ce gratte-ciel est le reflet même de l’Art déco. Ce courant qui exprime le pouvoir de la machine. Le Chrysler Building est à l’image de Walter P. Chrysler et de son entreprise automobile. La photographie de Philip Trager, ci-dessous, nous montre un des ornements qui nous fait penser au couvercle d’un radiateur d’une Chrysler 1929. qui fait un rappel des dessus de radiateur Chrysler de 1929 (Stranges, 2014, p. 8).
La structure extérieure de ce gratte-ciel est faite de brique, un matériau qui est utilisé dans l’architecture depuis très longtemps et qui est encore d’actualité aujourd’hui. Ce matériau démontre la continuité entre le passé et le présent. Ainsi, la juxtaposition entre la brique et l’acier permet de mettre en lumière l’évolution de la science et de la connaissance de la construction. Elle montre aussi une certaine confrontation entre les matériaux du passé et ceux du présent, et ce, par leur disposition sur le Chrysler Building. L’acier occupe le plus haut étage du bâtiment et la maçonnerie tout le reste.
Un autre ornement important de ce building est celui des huit gargouilles qui font un lien avec les éléments de style gothique et les dessus de radiateurs inclus dans le gratte-ciel. William Van Alen les a placés par paire au 61e étage à côté de quatre balcons. Elles sont en acier chromé et elles s’inscrivent parfaitement dans le style Art déco de l’immeuble. Cette photo de Margaret Brourke est très importante, car d’une part elle illustre l’accès difficile et dangereux aux gargouilles et d’autre part, elle crée un précédent dans l’histoire de la photographie architecturale. « Ce procédé fera école, à commencer par William Van Alen qui photographie deux ouvriers pendant une pause » (Pantazzi, 2010, p.15). Au début des années 1990, la photographe Annie Leibowitz reprendra l’idée de Margaret Bourke-White.
Le sommet du Chrysler Building est nommé la flèche. Elle est faite et composée d’acier et l’on peut voir son style gradin avec ses voûtes. Elle compte sept arches avec des nervures apparentes. Cette structure illustre bien les rayons du soleil, car la flèche est plaquée d’un métal argenté qui permet un rehaussement du reflet de la lumière. Cette pièce métallique mesurant 58 mètres a été montée et installée à l’intérieur du gratte-ciel à l’insu de tous. La hauteur de cet édifice a permis, pour un court moment, que le Chrysler Building soit considéré comme le bâtiment le plus haut au monde. Andy Warhol disait de cette partie du gratte-ciel : They look like money (Nash, 2005, p. 65).
Le mot de la fin revient à Madeleine Ruthven qui décrit parfaitement le Chrysler Building dans son poème du même nom et à partir de la photo de Samuel H. Gottscho :
Chrysler Building
Never again in our time Shall such pinnacles leap to the sky, These fabulous towering spires, These airy mountains of glass, Are the signature of an age – A way of life that must pass.
The delicate petals of stone, The leaves of silvered steel, The brassy gargoyles that fling Their snouts to the imminent sky Are praise of greatness that lied, Are wreaths for a world that has died (Ruthven, 1937, p.77).
Bibliographie :
ALBERCHT, Donald, « The man and the myth: Samuel H. Gottscho’s architectural and interior photography changed the way we see New York », Interior Design, vol. 76, n°11, 2005. En ligne. <https://link.gale.com/apps/doc/A137352528/CPI?u=mont47771&sid=bookmark-CPI&xid=104579f7>. Consulté le 17 novembre 2021,
CANTIN, Lina, « La performance environnementale au cœur de la nouvelle génération de gratte-ciel », dans Andrée DE SERRES (dir.), Innovation et gestion des risques des grands immeubles, Actes du colloques 647 du 82e Congrès de l’ACFAS, Université Concordia, Montréal, 13 mai 2014, Collection Chaire Ivanhoé Cambridge d’immobilier, ESG UQAM, 2018, p. 40-44. En ligne. Consulté le 17 novembre 2021.
NASH, Eric Peter, Norman McGRATH, Manhattan skyscrapers, New York, Princeton Architectural Press, 2005. En ligne. < https://ebookcentral.proquest.com/lib/uqam/detail.action?docID=336752. >. Consulté le 20 octobre 2021.
PANTAZZI, Michael, « Du stryge au gratte-ciel », Livraisons de l’histoire de l’architecture, vol. 20, 2010, p. 1-22. En ligne. <https://doi.org/10.4000/lha.261>. Consulté le 17 novembre 2021
RUTHVEN, Madeleine, « Chrysler Building », Poetry, vol. 50, n° 2, mai 1937, p. 77.
STRANGES, John B., « Mr. Chrysler’s Builing : Merging Design and Thenology in the Machine Age », Icon, vol. 2, n° 2, janvier 2014, p. 1-19.