Un style International, la Farnsworth House de Ludwig Mies van der Rohe

Le style international est un courant architectural qui débuta dans les années 1920 et qui se propagea dans le monde entier jusqu’à la fin des années 1980. Il marque l’arrivée des idées du Mouvement moderne aux États-Unis, notamment par l’intermédiaire de Ludwig Mies van der Rohe à Chicago. Le Mouvement moderne doit sa création à la révolution industrielle du début du 20ème siècle. Le style international nait du mariage des idées de l’école du Bauhaus et des techniques de construction en acier et en verre des États-Unis. L’objectif est d’appliquer le principe de régularité en utilisant les potentiels du béton, de l’acier et du verre. Il se veut fonctionnaliste et minimaliste, pour cela il met en valeur les volumes par des surfaces lisses et sans ornementation, en rupture totale avec les styles du passé. Une des principales doctrines du mouvement est : « Form follows function » que l’on peut traduire par : « la forme suit la fonction », inspirée du livre « The Tall Office Building Artistically Considered » de Louis H. Sullivan en 1896. Cette pensée veut que la forme d’un bâtiment ou d’un objet en général doit être principalement liée à sa fonction ou/et à sa destination. Le style international se présente donc comme une tendance résolument moderniste et recherche le dépouillement dans la décoration.

Ludwig Mies van der Rohe est un architecte allemand, naturalisé américain en 1944, né le 27 mars 1886 à Aix-la-Chapelle (Allemagne) et mort le 17 août 1969 à Chicago (Etats-Unis). En 1938 il s’exile aux Etats-unis et devient directeur de la section d’Architecture de l’Armour Institute of Technology (renommé plus tard « Illinois Institute of Technology ») où son influence a été très vite reconnue. Chargé de réaliser des édifices monumentaux, parmi lesquels le Seagram Building, les immeubles 860 et 880 Lake Shore Drives… Ludwig Mies van der Rohe n’en continue pas moins de concevoir des habitations individuelles et c’est en poursuivant ses recherches du Pavillon de Barcelone (pavillon allemand construit le temps de l’Exposition internationale de 1929 afin d’accueillir des réceptions officielles), qu’il conçoit la Farnsworth House.

Une construction qui semble flotter au dessus du sol

En 1946, le Docteur Edith Farnsworth lui commande une maison de week-end d’une seule pièce, au cœur d’un domaine de 24 hectares, à environ 75 kilomètres de Chicago. Domaine autrefois rural, il borde la rivière Fox au sud de Plano dans l’Illinois. Ainsi située en zone inondable et bordée de bois, l’habitation surélevée de 1,50 m par rapport au sol est construite sur pilotis. Les pilotis sont constitués de huit poteaux en acier profilés en H, coincés entre deux dalles, une dalle de sol et une dalle de plafond en porte-à-faux d’une part en d’autre de la maison. L’ombrage et l’intimité de la villa sont apportés par le bois qui l’entoure. Ludwig Mies van der Rohe explique ce concept lors d’une interview en déclarant : « Nature, too, shall live its own life. We must beware not to disrupt it with the color of our houses and interior fittings. Yet we should attempt to bring nature, houses, and human beings together into a higher unity. » (« La nature aussi vivra sa propre vie. Nous devons nous garder de ne pas la perturber avec la couleur de nos maisons et de nos aménagements intérieurs. Pourtant, nous devons essayer d’apporter de la nature, des maisons, et les êtres humains ensemble dans une unité plus élevée. « )

Le bâtiment est organisé autour de deux plates-formes rectangulaires. La première, à laquelle on accède par quatre larges marches puis, cinq marches identiques permettent d’accéder à la deuxième plate-forme donnant accès au porche. La dalle de la terrasse ainsi que la dalle de la maison rentrent dans une proportion comprise dans un rectangle, en traçant les diagonales de ce rectangle on tombe sur l’angle de la maison donnant sur la terrasse. La terrasse permet ainsi de faire un lien entre le dedans et le dehors, espace de transition entouré de deux carrés permettant d’effectuer un parcours complet à travers la villa pour avoir accès à celle-ci. Tous les espaces sont ainsi optimisés et utilisés au maximum de leurs potentiels, enlevant tout espace résiduel par réductionnisme spatial. La devise de Ludwig Mies van der Rohe n’est-elle pas :  « less is more » ?

Trois différents niveaux

Les pilotis et le porte-à-faux donnent une impression de légèreté à la maison comme si elle flottait au dessus du sol. Cette villa est composée de verre et d’acier sur pilotis, elle a une trame très rigide et proportionnelle, mesurant en tout 135 m2. La terrasse attenante, formant une troisième dalle surélevée (mais plus basse que celle de la villa), joue le rôle de transition entre l’intérieur et l’extérieur avec ces différents niveaux. Le lien est exacerbé par les façades de verre, entre le dedans et dehors. Cela pose la question de la relation  entre l’individu et la nature. L’interaction entre le public et le privé est aussi remis en cause, cette dernière étant pratiquement inexistant, ce qui est pour le moins très paradoxale pour une habitation privée…

Tout au long de sa carrière américaine, Ludwig Mies van der Rohe chercha à créer une harmonie entre l’intérieur et l’extérieur des bâtiments, notamment dans la Farnsworth House. L’usage généralisé du verre, du sol au plafond, ouvre ainsi l’intérieur de la maison sur son environnement naturel à un degré extrême. Deux dalles, renforçant l’idée d’horizontalité, forment le sol et le toit et prennent en sandwich l’espace vitré du séjour, mélangeant le dedans et le dehors. L’architecte créé une interdépendance entre l’intérieur et l’extérieur, entremêlée avec les éléments naturels. Grace à cette structure minimaliste, sans poteau, close de verre, formant un plan et une façade libres avec des fenêtres en bandeau, reprenant les principes fondamentaux de l’architecture moderne, la Farnsworth House est une oeuvre significative puisqu’elle est la première réalisation achevée de cet idéal. Pour Ludwig Mies van der Rohe, la Farnsworth House est probablement le prototype de sa vision de l’architecture moderne.

Un mobilier minimaliste à l’intérieur de la villa

L’intérieur de la villa donne l’impression d’être composé d’un seul grand espace ouvert (absence totale de cloisons intérieures) se faufilant autour de deux boîtes en bois : l’une est la penderie, l’autre est le bloc qui abrite deux salles de bain séparées par un placard et une cuisine dite « américaine ». Les espaces intimes comme les toilettes sont cachés dans ce bloc central formant un bloc d’espaces de service, le noyau de la maison. Ce concept de pièce unique permet de décliner de multiples façons les aménagements, les rendant flexibles aux changements en fonction des utilisateurs et de leurs attentes. Il offre aux occupants des espaces flexibles et non-encombrés dans lesquels ils peuvent s’épanouir en tant qu’individu dans un monde industriel moderne. Les volumes sont scindés de façon équilibré d’après la trame structurelle.

Bibliographie :

Form follows function, Louis Henri Sullivan, 2011, B2 eds

Talks with Mies van der Rohe, L’Architecture d’aujourd’hui, V. 29, Nº 79, September 1958.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *