Le Looshaus, la « Maison sans sourcils », située en centre historique du Michaelerplatz à Vienne en Autriche.

Le Looshaus construit entre 1909-1910 à Vienne en Autriche par Adolf Loos. Image du photographe Thomas Ledl, prise le 30 juin 2015
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Bâtiment simple, unique en son genre sur la place de la Michaelerplatz, le Looshaus s’est imposé au centre-ville de Vienne. C’est un bâtiment révolutionnaire construit entre 1909-1911 par l’architecte autrichien Adolf Loos,pour la firme de couture Goldmann & Salatsch (pourvoyeuse pour homme la plus exclusive de la ville de Vienne).

situation du Looshaus dans la Michaelplatz.
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C’est un bâtiment dont les trois façades donnent sur rue, mais sa façade principale s’ouvre sur la Michaelerplatz, en face de la Hofburg impériale (un grand dôme et une entrée arrondie, rayonnant de richesse) qui est l’un des plus grands palais d’Autriche.

Tous les bâtiments de la place ont une façade élégante avec de nombreux designs, de style divers (Baroque, néo-romain) créant un look royal. Mais le Looshaus apparait dans une simplicité avec des lignes épurées, simples et symétriques à l’opposé des autres bâtiments.

Cette photo de façade du bâtiment prise par le photographe Thomas Ledl, montre parfaitement le côté simpliste et moderne du bâtiment dans un lieu chargé d’histoire du centre-ville de Vienne.

Par cette conception, Loos veut marquer la rupture avec l’historicisme et le décor sécessionniste. Le Looshaus est l’œuvre principale du modernisme viennois et une icône de l’architecture du XXe siècle (Rudolf Lehner, stkraemer12, 2019).

 Le Looshaus a divisé son bâtiment de manière créative en deux parties distinctes. Il y a le commercial qui occupe la partie inférieure du bâtiment et les appartements d’habitation qui occupèrent les étages supérieurs. Pour faire une distinction nette entre les deux fonctions, Loos rend visibles les usages publics et privés du bâtiment à travers les différents matériaux, sans avoir eu recours à la monumentalité et sans plonger dans l’ostentatoire.

Analyse de la façade

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Le détail le plus frappant sur la façade est la division du bâtiment en deux zones visuellement distinctes, sa volumétrie qui s’intègre aux autres bâtiments et les colonnes toscanes qui indiquent l’entrée principale du commerce. Les deux premiers étages (rez-de-chaussée et mezzanine) font office de commerces et les étages supérieurs des appartements locatifs. La façade commerciale revêtue de marbre vert poli contraste avec le plâtre lisse de couleur blanche des étages supérieurs des appartements.

De façon plus précise, la façade de la partie commerciale en marbre se compose de quatre colonnes toscanes. Ces colonnes s’épaississent vers le milieu et se rétrécissent au point de contact avec le sol, elles servent juste de décoration et ne sont porteuses. Le but de Loos était de faire un rappel de celles qu’on retrouve sur le Portique de l’église Saint-Michel voisine au Looshaus. On voit également une corniche et un entablement apparent qui permet de distinguer les parties du bâtiment.

Entrée du bâtiment,
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Bien que revêtue de marbre, la façade commerciale n’est ni froide ni repoussante. Au contraire la finesse du travail des matériaux utilisés ont pour but de mettre en valeur le coté luxueux du commerce et d’attirer la clientèle élitique.  

Les détails de façade de la portion logement nous montrent des ouvertures égales et uniformes. Cela traduit qu’il n’y a pas de hiérarchie dans les logements, comme on pouvait le voir dans les constructions d’habitation traditionnelles. Ces ouvertures se composent de baies vitrées (trois sections par fenêtre) reparties de la même manière sans distinction d’étage. Mais en dessous de certaines, on retrouve des bacs à fleurs.

La simplicité de la façade des étages supérieurs du bâtiment conçu par Loos est loin de la compréhension historiciste du centre-ville de Vienne à l’époque de sa construction. Cela a conduit à un scandale architectural que les autorités du bâtiment en 1910 ont arrêté la construction.

Les façades simples n’avaient rien de nouveau en elles-mêmes à cette époque et étaient familières des immeubles et des usines bon marché (Matthias Boeckl, CLASSIQUES MODERNES 05). Mais son emplacement dans une zone si importante ainsi que son utilisation comme locaux commerciaux d’un studio de tailleur exclusif ont fait de la Looshaus une horreur du centre historique de la Michaelerplatz. 

Il faut savoir que Loos était opposé à l’historicisme à la fois de l’Art nouveau et des Beaux-Arts et dès 1898, il annonça son intention d’éviter l’utilisation d’ornements inutiles (Domenech Théodora). Pour que les travaux se poursuivent, Loos a dû suivre les conseils de Otto Wagner pour modifier la façade en plantant des jardinières en bronze avec des plantes devant les fenêtres essentielles des étages supérieurs. On peut tout de même interpréter dans son geste de mettre les fleurs aux fenêtres comme un clin d’œil à la tendance fleuriste des Arts and crafts etde l’Art nouveau.

Comme Loos le déclare dans son célèbre essai Ornement et Crime « L’ornement est un travail gaspillé et donc une santé gaspillée. C’est comme ça que ça a toujours été. Aujourd’hui, cependant, c’est aussi du matériel gaspillé, et les deux ensembles s’ajoutent au capital gaspillé » (Loos 1908). Loos met l’accent sur la fonctionnalité des matériaux en architecture et le Looshaus est la concrétisation de ces idées théoriques.

Vues d’intérieurs

Si simple que soit le bâtiment de l’extérieur, sa vie intérieure est tellement magnifique. À l’intérieur, il y a des surfaces polies, des formes nettes, des rangements intégrés, vitrés ou plaqués. L’extérieur très simple de Looshaus contient une organisation intérieure vibrante et impressionnante composée de plusieurs niveaux. L’organisation intérieure, dans laquelle se trouvent les bases du plan spatial est construite sur une succession d’espaces aux fonctions complètement différentes.

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https://secretvienna.org/the-story-of-the-loos-haus/

Lorsque vous entrez dans le bâtiment au rez-de-chaussée, le magnifique escalier situé juste en face de l’entrée attire l’attention, il emmène les usagers à l’étage. Au sommet de ces marches, vous verrez une horloge conçue par Loos.

Les surfaces intérieures du bâtiment sont revêtues de matériaux aux formes et textures nobles les plus abstraits, tout en évitant une ornementation excessive. La décoration à base de bois contribue à la ligne de luxe du magasin, les éléments d’éclairage et le mobilier ont également été soigneusement conçus par Loos.

Les parties intérieures de la section commerciale dégagent un luxe similaire au marbre de la façade grâce au bois poli, aux miroirs brillants et aux lucarnes efficacement structurées de l’escalier principal. 

L’étage supérieur du commerce n’est pas spatialement séparé par des murs ou des colonnes, mais par des hauteurs de plancher. Elle est divisée en plusieurs zones et les hauteurs des pièces varient en fonction des besoins. Loos va commencer à exploiter le raumplan, c’est une technique pour travailler les espaces dans le projet. Pour ce faire, il utilise des jeux de matérialisation pour donner une diversité de vues.

Différentes hauteurs de surface https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/b/bc/Looshaus_innenansicht_3.jpg
https://www.arkitektuel.com/looshaus/
Mezzanine, https://downtownvienna.com/411071
Puit de lumière aux escaliers, https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/5/5e/Looshaus_innenansicht_4.jpg/675px-Looshaus_innenansicht_4.jpg

Chez Loos, même s’il y a un rejet de l’ornementation, on trouve une recherche des effets. Cela se traduit par le traitement de surface, le travail du bois et le tapis très inspiré du mouvement art and Craft britannique.

Pour conclure l’analyse ce bâtiment construit par l’architecte Adolf Loos, nous dirons que malgré son fonctionnalisme esthétique de façade, le Looshaus n’est pas un bâtiment à vocation simple ; en particulier les matériaux n’ont pas économisé de coûts ou d’efforts. Pour Loos, le classicisme de la façade inférieure revêtue de marbre et des colonnes toscanes à l’entrée était un moyen pour lui d’intégrer le commerce à la rue c’est-à-dire l’espace de mémoire de la ville. Et la façade en plâtre sans ornement des étages résidentiels est selon lui une rupture entre les deux fonctions. Car il pense que, l’habitation étant du domaine privé, n’est pas un monument, on devrait ainsi se concentrer sur sa fonctionnalité.

Loos donne plus de détails de ses choix dans une lettre sous le titre « Eine zuschrift » publiée en 1910, après avoir terminé la construction du Looshaus. (Matthias Boeckl, CLASSIQUES MODERNES 05

Bibliographie

Domenech Théodora, « Le pouvoir de la séduction », Revue Française d’Histoire des Idées Politiques, 2014/1 (N° 39), p. 61-80. DOI : 10.3917/rfhip.039.0061. URL : https://www-cairn-info.proxy.bibliotheques.uqam.ca/revue-francaise-d-histoire-des-idees-politiques1-2014-1-page-61.htm

Midal Alexandra, « Le Mouvement moderne : l’esthétique universelle et industrielle de la machine », dans : , Design. Introduction à l’histoire d’une discipline, sous la direction de Midal Alexandra. Pocket, « Agora », 2009, p. 79-124. URL : https://www-cairn-info.proxy.bibliotheques.uqam.ca/design–9782266190329-page-79.htm

Dewitte Jacques, « 3. Le sens ontologique de l’ornement [1] », dans : , La manifestation de soi. Éléments d’une critique philosophique de l’utilitarisme, sous la direction de Dewitte Jacques. Paris, La Découverte, « TAP / Bibliothèque du MAUSS », 2010, p. 64-81. URL : https://www-cairn-info.proxy.bibliotheques.uqam.ca/la-manifestation-de-soi–9782707164469-page-64.htm

Dewitte, J. (2010). 3. Le sens ontologique de l’ornement. La manifestation de soi: Éléments d’une critique philosophique de l’utilitarisme (pp. 64-81). Paris: La Découverte.

Talon-Hugon Carole, « Arts et ornements », Nouvelle revue d’esthétique, 2019/1 (n° 23), p. 5-7. DOI : 10.3917/nre.023.0005. URL : https://www-cairn-info.proxy.bibliotheques.uqam.ca/revue-nouvelle-revue-d-esthetique-2019-1-page-5.htm

Matthias Boeckl, CLASSIQUES MODERNES 05 : Looshaus et Archaeological Field Michaelerplatz – deux classiques à l’honneur. 19/01/20

https://www.architektur-aktuell.at/news/looshaus-und-archaeologiefeld-michaelerplatz-zwei-klassiker-im-fokus

Boeglin Noémie, « Art industriel et art décoratif : faveurs et déshonneurs de la fonte ornementale au XIXe siècle », Nouvelle revue d’esthétique, 2019/1 (n° 23), p. 9-20. DOI : 10.3917/nre.023.0009. URL : https://www-cairn-info.proxy.bibliotheques.uqam.ca/revue-nouvelle-revue-d-esthetique-2019-1-page-9.htm

Rudolf Lehner, stkraemer12 (2019). Winckelmann Academy. Le Looshaus sur Michaelerplatz à Vienne. Publié le 17 juin 2019https://winckelmannakademie.wordpress.com/2019/06/17/das-looshaus-am-michaelerplatz-in-wien/

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